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Extraits de livres lus : Dieu n?est pas bizarre
Extraits du livre « Dieu n’est pas bizarre »
De Jean-Noël Bezançon
Résumé : Une Eglise qui dit souvent des choses étranges, dans un langage codé. Une prière qui semble ne pouvoir prendre son essor qu'en se libérant des soucis de la vie quotidienne. Jésus qui ne pourrait être reconnu comme Dieu que lorsqu'il fait des prodiges dont nous nous sentons incapables. Des dévotions qui privilégient l'émotionnel et cultivent l'irrationnel, comme si c'était le signe du Saint-Esprit. Des prêtres qui, pour être identifiés comme hommes de Dieu, croient devoir vivre à l'écart, tels des extraterrestres, face à des laïcs qui se crispent sur leur spécificité et leur différence pour être sûrs de passer pour des gens normaux...
La religion serait-elle nécessairement le domaine des choses insolites ? Dieu serait-il bizarre ? Le Dieu de Jésus, certainement pas. Mais peut-être l'idée que nous nous faisons de lui.
« Pourquoi faudrait-il déguiser notre langage pour nous approcher de Dieu ? Au contraire, toute la Bible l'atteste, Dieu a pris la peine de se dire avec les mots de tous les jours, parce que c'est dans notre vie de tous les jours qu'il tient à nous rencontrer. Les mots apparemment les plus religieux de la Bible, les titres qu'on donne le plus souvent à Dieu, les verbes qui évoquent habituellement son action, son rôle, ses interventions, sont tous empruntés à la vie des hommes. Pour la bonne raison que l'homme, habituellement, n'a pas d'autres mots que ceux qu'il s'est forgés pour vivre. »
« Aucune langue, aucun mot n'est spécialement habilité à dire Dieu, comme un outil adéquat qui aurait été mis au point uniquement pour cet usage. Mais tous les mots de l'homme, les mots qui disent son intelligence et son cœur, ses trouvailles, ses relations, ses affections et ses désirs profonds, tous les mots vraiment humains peuvent dire vraiment quelque chose de Dieu. »
« Chacun de nous, avec ses propres gestes, avec ses mots les plus quotidiens, est donc invité à faire de sa vie une phrase, qui dise, le moins mal possible, quelque chose de Dieu. »
« Dans ce monde créé par Dieu et pour Dieu, rien donc n’est profane. Mais ce monde, il arrive que nous le profanions, en le détournant de ce pour quoi il est fait, en le coupant de sa source et de sa destination. On peut ainsi profaner le travail, l’amour, la sexualité, l’autorité, quand on en fait l’exploitation de l’autre. Tout est don de Dieu, mais l’homme risque toujours de tout pervertir en se coupant de ce grand dynamisme de don et de partage qui est le projet du Créateur. Tout est donné pour la communion. Nous le profanons en l’enfermant dans la possession. »
La prière
Prier ce n'est donc pas s'épuiser à grimper, à force d'exercices, vers un Dieu inaccessible, au risque de dégringoler sans cesse. C'est, tout simplement, consentir à lâcher prise de nos suffisances, pour nous laisser tomber entre les bras d'un Père. « Prier, c'est accepter d'être aimé », écrivait Gabriel Marcel. » Mais Dieu n'attend pas de nous que nous lui tournions un joli compliment, que nous lui jouions la comédie, que nous lui fassions notre cinéma. Il n'attend même pas que nous trouvions des tas de choses à dire, mais, peut-être, que nous commencions par nous taire pour l'écouter.
Prier, c'est d'abord écouter, car Dieu, lui, a quelque chose à nous dire, des choses importantes, vitales.
Prier, c'est accueillir au plus profond de nous-mêmes cette parole qui nous enfante, qui nous engendre : « Tu es mon enfant, en qui j'ai mis tout mon amour. » La prière, alors, n'est plus autosuggestion, invention des mots que nous aimerions entendre. C'est ouvrir un espace à l'autre, lui donner la parole, lui donner la joie d'être Père, d'être Mère, puisque c'est cela, pour lui, être Dieu. La plupart des chrétiens sont baptisés avant de savoir dire un mot, pour bien manifester que c'est toujours Dieu qui commence, qui fait le premier pas.
Nous le savons bien, les mots ne sont pas tout. Il arrive qu'ils manquent, ou qu'ils trompent. Il y a des silences plus parlants encore. Et il y a, dans le silence, des regards qui sont dialogue et communion. Interrogeant un homme qui se tenait immobile et silencieux au fond de son église, le curé d'Ars l'entendit répondre : « Je l'avise, et il m'avise. » La prière est d'abord cet échange de regards.
Prier c'est alors nous laisser regarder par Dieu avec tout ce qui nous réjouit et tout ce qui nous fait mal, avec nos enthousiasmes, mais aussi avec les boulets que nous traînons, avec tous ceux qui nous accompagnent, ceux qui nous portent et ceux que nous tirons, tous ceux qui nous tiennent à cœur et que le Seigneur connaît encore mieux que nous. Si notre prière consistait à essayer de les oublier un instant pour être plus libres de courir vers lui comme des voyageurs sans bagages, le Seigneur nous trouverait bien légers. Alors qu'il veut nous accueillir lourds de tous ceux que nous portons.
Apprendre à prier, ce n’est pas d’abord apprendre des prières. Cela n’a pas grand sens d’apprendre à un enfant les mots du Notre Père, comme une table de multiplication ou une fable de la Fontaine, s’il n’a pas d’abord appris par cœur, par le cœur, à accueillir au plus profond de lui-même cette parole de vie : « Tu es mon enfant, tu as du prix à mes yeux. » les mots de la prière ne peuvent être qu’une réponse, un écho, à la parole du Père toujours première.
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Commentaires
1PestouneJeudi 3 Décembre 2015 à 13:06La dernière partie de ton extrait du jour parle du Notre Père.... Combien de gens ont pris la peine de réfléchir aux mots, au sens de cette prière ? Elle recèle bien plus que ce qu'elle ne semble être. A-t-on songé que ce pain quotidien que l'on demande, n'est pas nourriture terrestre mais nourriture spirituelle, et plus encore : donne-nous notre pain de ce jour, c'est donne-nous Jésus dans nos vies au quotidien. Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé... pardonne-nous à la mesure du pardon que nous savons donné nous aussi... Il y a tant à dire . La prière... on m'a dit un jour : aime et fais de ta vie une prière d'amour. C'était beau et c'est devenue sans que je m'en rende compte ma ligne de vieRépondre-
renalJeudi 3 Décembre 2015 à 15:24
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