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Abécédaire de la Sagesse (16)
Extrait du livre « Abécédaire de la Sagesse
De Christophe André, Alexandre Jollien et Matthieu Ricard
L’ego ne fait pas partie du vocabulaire courant de la psychologie, on parle plutôt d’«estime de soi», qui définit l’ensemble des façons de se regarder, de se juger, de se considérer, de se traiter. Pour ma part, je décrirais volontiers l’ego comme l’ensemble des attachements à soi, à sa propre image.
Deux points : l’ego est un mal nécessaire, comme un véhicule de location. Nous avons besoin de lui pour traverser la vie, tout comme nous avons besoin d’un moyen de locomotion pour nous déplacer d’un point à un autre - sauf si l’on est un ermite ou un contemplatif qui ne bouge pas de son monastère, et trouve peut-être que se débarrasser complètement de son ego est plus simple. Sur les routes de la vie, il y a des véhicules plus polluants que d’autres : de gros quatre-quatre qui consomment beaucoup d’essence, qui veulent qu’on les regarde et qu’on les laisse passer, et à l’autre extrême, des petits vélos qui ne polluent pas et ne font pas de bruit. Il me semble qu’on ne peut pas se débarrasser de l’ego, le balancer par la fenêtre, mais qu’on peut juste s’assurer qu’il ne soit pas trop polluant pour les autres, pas trop coûteux pour nous (en énergie, en soins, en entretien...). Second point: on ne peut pas espérer se débarrasser de l’ego en le méprisant. Chez les patients qui souffrent de manque d’estime de soi, la solution n’est pas de continuer à se mépriser: souvent, ils sont à la fois obsédés par eux- mêmes et irrités contre eux-mêmes. On en revient à cette différence capitale entre détachement et non- attachement: l’idée n’est pas de se détacher de l’ego de façon obsessionnelle, mais nos efforts doivent nous porter vers le non-attachement à l’ego. Comme dans la célèbre phrase de Paul Valéry: «Je me suis détesté,
je me suis adoré - puis nous avons vieilli ensemble. » Christophe
Martinique février 2023
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