• Conte de l'Oiseau bleu

    (Vosges et Pays messin)

     

    Noé   après   avoir   lâché   la   colombe   prit l’Oiseau bleu (martin-pêcheur) et lui dit :

    — Toi qui connais les eaux, tu auras moins peur, pars aussi, vas voir si la terre reparaît.

    L'Oiseau bleu partit, bien avant le jour ; à ce moment s'éleva sur les eaux un si grand vent, que pour ne pas être précipité et submergé dans l’onde, il prit son essor vers le ciel. Il vola avec une rapidité extraordinaire, ne s'étant pas servi de ses ailes depuis bien longtemps ; aussi, arriva-t-il bientôt dans le bleu du firmament où il n'hésita pas à s'enfoncer. De gris qu'il était auparavant, son plumage se colora de bleu céleste.

    Arrivé à une grande hauteur, il vit le soleil qui se levait bien loin au-dessous de lui ; une invincible curiosité le poussa à aller considérer cet astre de près ; il dirigea donc son vol de ce côté ; plus il approchait du soleil, plus la chaleur devenait vive ; bientôt même les plumes de son ventre commencèrent à roussir et à prendre feu. Il abandonna son entreprise et revint précipitamment s'éteindre dans les eaux qui couvraient la terre. Après s'être plongé à plusieurs reprises dans l'onde rafraîchissante, il se souvint de sa mission, mais il eut beau regarder de tout côté, l'arche avait disparu.

    En effet, pendant l'absence de l'Oiseau bleu, la colombe était revenue avec une branche de chêne, puis l'arche poussée par ce grand vent que Dieu avait suscité exprès, avait touché terre, et Noé, sorti de cette demeure flottante, l'avait démolie pour en faire une maison et des étables. L'Oiseau bleu, ne voyant plus rien sur les eaux se mit à pousser des cris aigus et à appeler Noé.

    Aujourd'hui encore, on le voit cherchant le long des rives, s'il ne retrouvera pas l'arche ou quelques-uns de ses débris. Il a conservé jusqu'à nos jours sur la partie supérieure de son corps le plumage bleu de ciel qu'il a acquis dans le firmament, et son ventre est encore tout roussi par suite de l'imprudence qu'il a eue d'approcher du soleil.

     


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  • L'homme dans la lune

    « CONTES ET LEGENDES DE FRANCE »

     

    Extraits du livre Aux origines du monde

    L'homme dans la lune 

    (Bigorre)

     

    On sait que la prescription d'observer les sabbats et les fêtes fut autrefois plus étroite qu'elle ne l’est aujourd'hui. Or, il y avait, il y a bien longtemps, un homme qui travaillait tous les jours, sans se reposer les jours fériés. Dieu s'en offensa et lui dit : 

      Je te pardonne  quant au passé ; mais dorénavant ne travaille que les jours qui sont licites. 

    Cet homme n'écouta point la parole de Dieu, et il recommença à travailler, sans égard pour les temps consacrés. Il était en faute pour la troisième fois, portant sur son dos un fagot d'épines, quand Dieu lui apparut et lui dit : 

       Que  t'avais-je   dit ?   Respecte   les jours fériés... Suspends ton travail ces jours-là... Mais tu ne m'as point obéi... Or, à présent, je vais te punir et te retirer de la surface de la terre. Je t'exilerai à ton choix, dans le soleil ou dans la lune. Et l'homme répondit : 

      Que dois-je faire ? Choisirai-je, à présent que je dois quitter la terre, d'habiter dans le soleil ou d'habiter dans la lune ? 

    Dieu vint à son secours, lui disant : 

    — Le soleil, c'est un feu ardent, et la lune, c'est la glace. 

      Or, dit l'homme après avoir réfléchi un moment, la chaleur du soleil me fait peur, et puisqu'il faut choisir, j'aime mieux aller dans la lune. 

    — Soit, dit le Bon Dieu. Et il l'y transporta. Parce qu'on était dans le mois de février, cet homme s'appela Février : parce qu'il n'a point voulu se reposer, cet homme n'aura plus de repos dans l'astre qui marche toujours. 

    Il n'est point difficile de l'y apercevoir, chargé de son fagot d'épines. Son ombre est à la surface ; il est au fond, derrière son ombre. 

    Mais on ne l'y voit pas en tous temps ; car la lune est d'abord invisible elle-même, puis elle paraît, elle grandit, et bientôt, de sa face immense, elle regarde les hommes ; puis elle décroît. A ce moment, ainsi que dans son accroissement, l'ombre se manifeste, le prisonnier révèle son châtiment à la terre. Et le châtiment durera. Mais quand le monde aura pris fin, quand tomberont les étoiles, relevé de sa pénitence, Février reprendra, avec son nom d'homme, la liberté des cieux. 

     

     


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  •       

    L'origine du Vent

    Limousin

    Dans le temps, le Vent était un beau jeune homme qui se promenait partout dans la campagne.  Voici comment  il  est  devenu  invisible.

    Trois bergères gardaient leurs troupeaux au creux d'une combe. La pâture était abondante, les animaux calmes et les jeunes filles babillaient gaiement. Elles avaient quitté leurs capotes chaudes et épaisses dont deux étalées sur le sol leur servaient de coussins, tandis que les amples plis de la troisième dérobaient leurs jeunes corps aux morsures du froid et... aux regards curieux. Le Vent qui folâtrait par là, surprenant leur bavardage innocent et leurs rires étouffés, voulut prendre sa part du divertissement. D'un souffle brusque il souleva le vêtement pour le laisser retomber quelques pas plus loin. La conversation s'arrêta. Une des jeunes filles courut le ramasser et le bavardage reprit sous le manteau.

    Le jeu devenait intéressant. Le beau jeune homme qui s'appelait le Vent en arrivait à oublier ses courses folles dans la campagne,   ses   sauts   brusques   pour   passer d'une colline à l'autre, le long tunnel de la vallée où il aimait à s'engouffrer en poussant des hurlements joyeux. Seul, désormais, l'intéressait ce pan   d'étoffe  qui   lui   dissimulait   trois   visages rieurs. Il souffla de nouveau. Mais le vêtement, tenu par des mains fermes, ne bougea pas. Le Vent se rapprocha et souffla plus fort... toujours sans résultat. Agacé, il se rapprocha encore jusqu’a toucher le groupe, gonfla sa poitrine et... mais déjà il était saisi et solidement maintenu par des poignes nerveuses. Et tandis que dans un bruit d'ouragan,  le souffle puissant dispersait  les vêtements,   courbait jusqu'à  terre   les hautes tiges des bruyères, les jeunes filles, qui avec sa quenouille, qui avec son bâton, tapaient à coups redoublés sur le gêneur.

    C'est pourquoi il lui donna l'invisibilité car [...] ce taquin n'a jamais cessé de tourmenter les jeunes filles qui devisent de leur galant au creux des combes. 


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  • « CONTES ET LÉGENDES DE FRANCE »

    Extraits du livre Aux origines du monde

    Pourquoi la mer est salée ?

    Gascogne

     

    C’était un matin de Pâques. Dieu dit à l'ange Gabriel : Grande fête aujourd'hui, Si nous mettions le pot-au-feu ?

    Idée excellente. Tous les élus en seront ravis. Je vais transmettre vos ordres. Seigneur. Et aussitôt, une gigantesque marmite d'or trône sur son fourneau d'argent massif. Il s'y trouve des légumes plus parfumés que les violettes et les rosés, des chairs au suc plus délicat que l'arôme des fleurs aimées des papillons et des abeilles. Et l'on voit des anges aux joues rosées, aux ailes blanches, soulever de leurs mains mignonnes le couvercle étincelant de la marmite, pour savourer avec délice les émanations du pot-au-feu.

    Mais, caché dans un coin, Satan qui, exclu du festin, rêve une malice infernale, saisit la salière et la vide entièrement dans la marmite : plus de cent livres de sel. Et, là-dessus, le diable s'esquive en ricanant. Le dîner est servi, et du haut de son trône Dieu préside, heureux de la joie de ses convives. Tout à coup, brusquement, à la première cuillerée de potage, il se lève avec un froncement de sourcils terribles tandis que, d'un bout de la table à l'autre, les saints et les saintes, les anges, les archanges, les chérubins se livrent à une mimique de dégoût et d'horreur. Rien d'abominable comme cette soupe du paradis. Furieux, le Seigneur saisit la marmite et la lance dans le vide ! Elle traverse l'espace, descend vers la terre et tombe juste en océan. C'est depuis ce temps-là que l'eau de la mer est salée.

     

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