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Fables extraites du livre « Les Philo-Fables pour la terre
2 pages de Philo fables
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Par renal le 20 Septembre 2010 à 19:09
À qui la faute ?
Dans une paisible contrée, un lac déborda soudain, noyant brutalement les terres qui étaient en contrebas. Ce fut une terrible catastrophe ! Des jardins furent emportés, des villages submergés, des hommes précipités dans les eaux grondantes. Lorsque la décrue s'amorça, les survivants en colère» allèrent se plaindre auprès des divinités. Ils furent reçus par celle qui avait en charge le juste équilibre des choses et exposèrent leur requête. La divinité convoqua donc le lac et le somma de se justifier.
- Ce n'est pas ma faute, répondit le lac. La rivière qui m'alimente a brusquement grossi et j'ai soudain gonflé comme une outre. On convoqua donc la rivière.
- Ce n'est pas ma faute, répliqua-t-elle. Les torrents qui se jettent dans mes eaux ont cette année doublé de volume. Comment pouvais-je les retenir ?
On convoqua donc les torrents.
- Ce n'est pas notre faute, s'excusèrent-ils. Les neiges des montagnes ont fondu en quelques jours seulement et nous ont grossis comme des fleuves. On convoqua donc les neiges des montagnes.
- Ce n'est pas notre faute, plaidèrent-elles. D'habitude, les sapins nous retiennent sur les hauteurs, mais cette année les hommes ont coupé tous les arbres à la fin de l'hiver.
Les villageois se firent alors tout petits, s'excusèrent auprès de tout le monde et reprirent leur chemin, songeurs. (Michel Piquenal)
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Par renal le 24 Septembre 2010 à 13:18
Diogène et le marchand
On raconte que Diogène sommeillait contre le tronc d'un arbre lorsqu'un riche marchand passa près de lui.
- Mes affaires se portent à merveille, lui dit-il, aussi, je voudrais t’en faire profiter. Prends cette bourse pleine de pièces.
Diogène le regarda sans faire un geste.
Allons, lui dit le marchand, prends-la. Je te la donne, car je sais que tu en as bien plus besoin que moi.
Ah bon, lui dit Diogène, tu as donc d'autres pièces comme celles-là.
- Oui, bien sûr, répondit en souriant le marchand. J'en ai beaucoup d'autres.
- Et tu n'aimerais pas en avoir encore beaucoup plus ?
- Si, bien sûr !
- Alors garde cette bourse et ces pièces, car tu en as plus besoin que moi.
(Récit de l'Antiquité grecque)
« Le marchand croit que tout le monde voit la vie comme lui. Dans son esprit, s'enrichir est le seul moyen d'être heureux. Il n'imagine pas qu'il puisse y avoir d'autres façons d'envisager l'existence. Ne sommes-nous pas tous semblables à lui, incapables d'imaginer que les autres puissent avoir d'autres désirs, d'autres rêves, d'autres besoins que les nôtres? Quant à notre société occidentale, sera-t-elle un jour capable de concevoir qu'il puisse exister d'autres modèles de civilisation que celui qu'elle impose à la planète entière ?
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Par renal le 30 Octobre 2010 à 16:27
La force du bœuf
Un homme avait un bœuf noir d'une force extraordinaire. Son voisin, qui en avait aussi un d'une grande force, aimait les paris. Un jour, au cours d'une foire, devant tous les badauds assemblés, il fit tirer à son bœuf un chariot porteur d'une énorme charge. Puis il s'écria :
- S'il existe un autre bœuf capable de tirer ce char, je donnerai cent pièces d'or à son propriétaire ! Mais, s'il n'y parvient pas, j'empocherai les cent pièces d'or.
Le propriétaire du bœuf noir releva aussitôt le défi. Il attela sa bête puis lui cria :
- Allez, force! Tire, feignant! Qu'attends-tu, sale bête, tire donc !
Mais le bœuf noir eut beau forcer et suer, il ne parvint pas à tirer la charge et l'homme perdit ses cent pièces d'or.
Quelque temps plus tard, le voisin, enhardi, réitéra son pari.
- Cette fois, dit-il, j'offre mille pièces d'or. Le bœuf noir dit alors à son
maître :- Relève le défi et je te gagnerai cette somme !
- Comment oses-tu, répliqua son maître, toi qui m'as déjà fait perdre une fois ?
Mais le bœuf noir lui répondit :
- Devant une foule nombreuse, tu m'as insulté et humilié, me faisant perdre toute confiance. Encourage-moi et tu verras ce dont je suis capable.
Alors le maître brossa son bœuf et orna ses cornes d'une couronne de fleurs. Et, lorsqu'il l'attela, il lui prodigua mille encouragements :
- Porte-moi chance, mon beau ! Je sais que tu en as la force ! Tire, mon ami, tire ce char comme un fétu de paille !
Et, à l'étonnement de tous, le bœuf noir emporta l'énorme charge jusqu'au sommet de la colline.
(D'après une fable bouddhiste)
« Lorsqu’on est humilié, on perd tous ses moyens. Lorsqu’on est encouragé, on arrive à se surpasser. Qui n’en a déjà fait l’expérience ? Bien des siècles avant les recherches en psychologie comportementale, ce conte souligne l’importance du mental sur nos facultés physiques ! (Michel Piquemal)
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Par renal le 10 Novembre 2010 à 09:01
La musique
C'était un magicien de la harpe. Dans les plaines de Colombie, il n'y avait pas de fête sans lui. Pour que la fête soit une fête, Mesé Figueredo devait être là, avec ses doigts dansants qui égayaient les airs et affolaient les jambes. Une nuit, sur un sentier perdu, des voleurs l'ont attaqué. Mesé Figueredo revenait d'un mariage, à dos de mule, lui sur une mule, la harpe sur une autre, quand des voleurs se sont jetés sur lui et l'ont roué de coups. Le jour suivant, quelqu'un l'a trouvé. Il était allongé sur le chemin, torchon sale de boue et de sang, plus mort que vif. Avec ce qu'il lui restait de voix, il a dit :
- Ils ont emporté les mules. Et il a ajouté :
- Ils ont emporté la harpe.
Et il a repris son souffle et a ri :
- Mais ils n'ont pas emporté la musique.
« II existe des gens dont rien ne peut entamer l'optimisme et la joie de vivre. Sans doute parce qu'ils ont une passion en eux qui vaut plus que tout et qu'on ne peut pas leur enlever. Pour Mesé Figueredo, c'est la musique. Pour d'autres, c'est la peinture, la lecture, l'amour, les joies du sport, la liberté ou le simple bonheur d'être présent sur terre...
Quelle est votre flamme secrète que nul ne pourra jamais vous prendre, et qui vous rendra toujours heureux ? » (Michel Piquemal)
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Par renal le 20 Septembre 2010 à 19:07
Fables extraites du livre « Les Philo-Fables pour la terre »
De Michel Piquemal
« J’ai rassemblé des fables et des contes glanés dans les traditions du monde entier. Des préoccupations, que l’on dirait aujourd’hui écologiques, y étaient en effet déjà présentes. « La Terre ne nous appartient pas, nous l’avons reçu en héritage pour la transmettre à nos enfants » est une idée que nous retrouvons dans le monde asiatique et amérindien, par exemple.
J’ai souhaité que la lecture de ces paraboles puisse être discutée. Elles ne sont pas des leçons de morale, mais le point de départ d’une réflexion personnelle. Voilà pourquoi un petit atelier philosophique propice à interrogations vient les prolonger. »
La part du Colibri
Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux, terrifiés et atterrés, observaient, impuissants, le désastre. Seul le petit colibri s'activait, allant chercher quelques gouttes d'eau dans son bec pour les jeter au feu. Au bout d'un moment, le tatou, agacé par ses agissements dérisoires, lui dit :
- Colibri ! Tu n'es pas fou ? Tu crois que c'est avec ces gouttes d'eau que tu vas éteindre le feu ?
- Qu'importé, répondit le colibri, je fais ma part.
Pierre Rabhi (né en 1938), extrait de La Part du colibri
Si chacun attend pour agir que d'autres le fassent, nous ne sommes pas prêts de sauver la planète. Le colibri nous montre la voie. Que chacun, à son propre niveau, fasse sa part... et, comme le dit le proverbe, « les petits ruisseaux font les grandes rivières ». Pose-toi donc la question : quelle pourrait être ta part, si modeste soit-elle ?
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Par renal le 29 Octobre 2010 à 13:36
La vache sur son île
II était une fois une vache qui vivait sur une île couverte d'une belle herbe grasse et verdoyante. Toute la journée, jusqu'au crépuscule, elle y paissait et engraissait.
Mais lors qu’arrivait la nuit noire, elle ne voyait plus les prés couverts d'herbe verte, et elle commençait à s'inquiéter. Que mangerait-elle demain ? Elle allait sans nul doute mourir de faim. Et cette inquiétude la faisait maigrir à vue d'œil.
À l'aube, lorsque le jour se levait, elle se remettait à manger de plus belle et à engraisser. Mais lorsque la nuit revenait, la même angoisse la reprenait, la rendant toute maigre et efflanquée.
(D'après un conte du poète mystique persan Rûmî (1207-1273)
« Ne sommes-nous pas tous comme cette vache ? L’inquiétude du lendemain nous ronge et nous attriste. Vivons donc plutôt au présent et profitons des bienfaits de la vie. Mais l’angoisse ne fait-elle pas aussi intégrante de la condition humaine ? N’est-elle pas comme le stress qu’elle engendre, un moteur de vie ? Comment trouver un équilibre entre une insouciance folle et une angoisse qui empêche de vivre ? » (Michel Piquemal)
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Par renal le 27 Octobre 2010 à 09:23
Le coq ou la poule
Un jour, deux étudiants se disputaient à propos d'un volatile qu'ils avaient acheté au marché. L'un disait que c'était une poule et l'autre prétendait que c'était un coq. Comme ils étaient aussi têtus l'un que l'autre, la discussion n'en finissait pas.
Finalement, l'un des deux proposa :
- Mettons cette volaille dans le poulailler. Nous la mangerons dimanche. D'ici là, nous verrons bien si c'est un coq ou une poule.
La nuit passe et, au petit matin, on entend en provenance du poulailler un magnifique cocorico.
- Tu as entendu, dit le premier étudiant.
- Oui, répond le second, c'est incroyable ! Si je ne l'avais pas entendu de mes propres oreilles, jamais je n'aurais cru qu'une poule puisse pousser des cocoricos !
(D'après un conte juif)
Vous avez sans doute déjà rencontré des gens comme cet étudiant. Ils sont si têtus, si butés que rien ne peut leur faire entendre raison. Qu'est-ce donc qui peut les aveugler à ce point? Leur orgueil ? Leur ego ? Leur bêtise ? D'où vient cette impossibilité à admettre qu'ils sont dans l'erreur ? Michel Piquemal)
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Par renal le 1 Novembre 2010 à 13:11
Les Philo-fables de Michel Piquemal
Le double pour tes voisins
Zeus, le dieu qui régnait sur tous les dieux grecs, se promenait sur la terre pour voir comment les hommes s'y comportaient. Il arriva dans un petit village où semblaient régner la discorde et la haine. Dans un champ, il aperçut un laboureur qui trimait dur, poussant péniblement le soc d'un misérable araire.
Voulant enseigner dans ces lieux un peu de générosité, il s'adressa à lui en ses termes :
- Je suis le grand Zeus, toutes les choses sont en mon pouvoir. Demande-moi ce que tu veux et je te l'obtiendrai. Mais sache une chose : pour ce que tu demanderas, j'en donnerai le double à tes voisins. Si tu me demandes cent pièces d'or, je leur en offrirai deux cents...
Le laboureur se pinça les lèvres et réfléchit, puis, avec un méchant sourire, il demanda : - Crève-moi un œil !
(D'après un conte populaire)
« Ce conte, qui pointe la face la plus noire de la jalousie est extrêmement célèbre et populaire. Il semble nous dire que ce que l’on possède n'a finalement de valeur qu'en regard de ce que les autres possèdent. La vie serait donc une éternelle compétition. Cela expliquerait la puissance de la jalousie qui domine souvent les rapports humains, au point parfois de faire commettre des crimes. Croyez-vous cependant qu'il puisse exister des gens si jaloux et si méchants qu'ils accepteraient d'avoir un œil crevé si on leur promettait de rendre aveugle leur voisin ? » (Michel Piquemal)
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Par renal le 26 Octobre 2010 à 09:55
Les Philo-fables de Michel Piquemal
Le Mille-pattes
Un mille-pattes vivait tranquille, insouciant et heureux, lorsqu'un jour, un crapaud, qui habitait dans les parages, lui posa une question bien embarrassante
- Lorsque tu marches, lui demanda-t-il, dans quel ordre bouges-tu tes pattes ?
Le mille-pattes fut si troublé par la question du crapaud qu'il rentra aussitôt dans son trou pour y réfléchir. Mais il avait beau se creuser la cervelle, il ne parvenait pas à trouver de réponse. À force de questionnements, il finit par ne plus être capable de mettre ses pattes en mouvement. Il resta bloqué dans son trou, où il mourut de faim.
(Histoire de la Chine ancienne)
« Dans certaines situations, il est nécessaire de s'interroger, mais dans d'autres, il est bon d'agir de manière naturelle, instinctive. Ce que nous enseigne ce conte, c'est que trop s'interroger sur nous-mêmes risque de nous étouffer et de nous empêcher définitivement d'agir. Mais n'avons-nous pas tous cette tendance à nous regarder de l'intérieur qu'on appelle l'introspection ? »
» (Michel Piquemal)
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Par renal le 27 Septembre 2010 à 07:53
Le mur mitoyen
Dans la ville de Bagdad, le palais de Moulay Idriss était tout proche du palais de Moulay Hassan. Un seul mur les séparait. Mais les deux hommes ne s'aimaient pas. C'est peu de dire qu'ils ne s'aimaient pas, disons même qu'ils se détestaient.
Or, un jour, un maçon s'aperçut que, sous le mur mitoyen, des termites avaient formé une colonie. Il alla trouver Moulay Idriss et lui expliqua que s'il ne faisait rien, le mur risquait non seulement de s'écrouler, mais aussi de faire effondrer la toiture de son palais. Car les termites qui nichent sous la terre se nourrissent des murs de torchis et des boiseries.
- Ce n'est pas seulement mon mur à moi, répliqua Moulay Idriss, c'est aussi le mur de Moulay Hassan. Va donc le trouver ! C'est à lui de payer !
Le maçon se rendit donc chez Moulay Hassan. Mais celui-ci, qui était aussi avare que son voisin, lui rétorqua :
- Pourquoi viens-tu me voir, moi ? Pourquoi ne vas-tu pas trouver ce coquin de Moulay Idriss ?
Le maçon dut bien avouer que c'était déjà chose faite, mais sans succès... ce qui mit Moulay Hassan en fureur :
- Comment ! Ce vieil avare cousu d'or ne veut pas payer ! Eh bien, je ne paierai pas non plus.
La querelle prit de l'importance. Les deux hommes s'insultèrent, s'obstinèrent à refuser de faire les travaux. Et au bout du compte, le mur s'écroula et les deux palais avec lui.
(Michel Piquemal)
« En lisant cette fable, on a l'impression de se retrouver dans une de ces conférences internationales où se joue le sort de la planète. Chaque pays est bien conscient que les choses sont d'une gravité extrême, mais aucun ne veut faire un effort, aucun ne veut ralentir ses activités et prendre des mesures afin de moins polluer. Chaque État juge que c'est d'abord aux autres de faire un effort ! Les pays les plus riches font la morale aux pays les plus pauvres : ils exigent que ceux-ci se développent sans pollution, alors qu'eux-mêmes ont acquis leurs richesses grâce aux industries polluantes et rechignent à changer leur mode de vie. Faudra-t-il que le mur s'écroule pour qu'on prenne enfin de véritables décisions ? »
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