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Par renal le 15 Février 2018 à 11:05
Le vieux arbre et le jardinier
Un jardinier, dans son jardin,
Avait un vieux arbre stérile ;
C'était un grand poirier qui jadis fut fertile :
Mais il avait vieilli, tel est notre destin.
Le jardinier ingrat veut l'abattre un matin ;
Le voilà qui prend sa cognée.
Au premier coup l'arbre lui dit :
Respecte mon grand âge, et souviens-toi du fruit
Que je t'ai donné chaque année.
La mort va me saisir, je n'ai plus qu'un instant,
N'assassine pas un mourant
Qui fut ton bienfaiteur. Je te coupe avec peine,
Répond le jardinier ; mais j'ai besoin de bois.
Alors, gazouillant à la fois,
De rossignols une centaine
S'écrie : épargne-le, nous n'avons plus que lui :
Lorsque ta femme vient s'asseoir sous son ombrage,
Nous la réjouissons par notre doux ramage ;
Elle est seule souvent, nous charmons son ennui.
Le jardinier les chasse et rit de leur requête ;
Il frappe un second coup. D'abeilles un essaim
Sort aussitôt du tronc, en lui disant : arrête,
Écoute-nous, homme inhumain :
Si tu nous laisses cet asile,
Chaque jour nous te donnerons
Un miel délicieux dont tu peux à la ville
Porter et vendre les rayons :
Cela te touche-t-il ? J'en pleure de tendresse,
Répond l'avare jardinier :
Eh ! Que ne dois-je pas à ce pauvre poirier
Qui m'a nourri dans sa jeunesse ?
Ma femme quelquefois vient ouïr ces oiseaux ;
C'en est assez pour moi : qu'ils chantent en repos.
Et vous, qui daignerez augmenter mon aisance,
Je veux pour vous de fleurs semer tout ce canton.
Cela dit, il s'en va, sûr de sa récompense,
Et laisse vivre le vieux tronc.
Comptez sur la reconnaissance
Quand l'intérêt vous en répond.
Jean-Pierre Claris de Florian. Source : www.poesie-francaise.fr
Martinique aout 2017
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Par renal le 22 Novembre 2017 à 10:02
Les deux chats
Deux chats qui descendaient du fameux Rodilard,
Et dignes tous les deux de leur noble origine,
Différaient d'embonpoint : l'un était gras à lard,
C'était l'aîné ; sous son hermine
D'un chanoine il avait la mine,
Tant il était dodu, potelé, frais et beau :
Le cadet n'avait que la peau
Collée à sa tranchante échine.
Cependant ce cadet, du matin jusqu'au soir,
De la cave à la gouttière
Trottait, courait, il fallait voir,
Sans en faire meilleure chère.
Enfin, un jour, au désespoir,
Il tint ce discours à son frère :
Explique-moi par quel moyen,
Passant ta vie à ne rien faire,
Moi travaillant toujours, on te nourrit si bien,
Et moi si mal. La chose est claire,
Lui répondit l'aîné : tu cours tout le logis
Pour manger rarement quelque maigre souris...
- N'est-ce pas mon devoir ? - D'accord, cela peut être :
Mais moi je reste auprès du maître ;
Je sais l'amuser par mes tours.
Admis à ses repas sans qu'il me réprimande,
Je prends de bons morceaux, et puis je les demande
En faisant patte de velours,
Tandis que toi, pauvre imbécile,
Tu ne sais rien que le servir,
Va, le secret de réussir,
C'est d'être adroit, non d'être utile.
Jean-Pierre Claris de Florian. Source : www.poesie-francaise.fr
Limassol
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Par renal le 16 Octobre 2017 à 09:17
Le perroquet
Un gros perroquet gris, échappé de sa cage,
Vint s'établir dans un bocage :
Et là, prenant le ton de nos faux connaisseurs,
Jugeant tout, blâmant tout, d'un air de suffisance,
Au chant du rossignol il trouvait des longueurs,
Critiquait surtout sa cadence.
Le linot, selon lui, ne savait pas chanter ;
La fauvette aurait fait quelque chose peut-être,
Si de bonne heure il eût été son maître
Et qu'elle eût voulu profiter.
Enfin aucun oiseau n'avait l'art de lui plaire ;
Et dès qu'ils commençaient leurs joyeuses chansons,
Par des coups de sifflet répondant à leurs sons,
Le perroquet les faisait taire.
Lassés de tant d'affronts, tous les oiseaux du bois
Viennent lui dire un jour : mais parlez donc, beau sire,
Vous qui sifflez toujours, faites qu'on vous admire ;
Sans doute vous avez une brillante voix,
Daignez chanter pour nous instruire.
Le perroquet, dans l'embarras,
Se gratte un peu la tête, et finit par leur dire :
Messieurs, je siffle bien, mais je ne chante pas.
Jean-Pierre Claris de Florian. Source : www.poesie-francaise.fr
Zoo de Limassol
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Par renal le 26 Septembre 2017 à 09:31
La guêpe et l'abeille
Dans le calice d'une fleur
La guêpe un jour voyant l'abeille,
S'approche en l'appelant sa sœur.
Ce nom sonne mal à l'oreille
De l'insecte plein de fierté,
Qui lui répond : nous sœurs ! Ma mie,
Depuis quand cette parenté ?
Mais c'est depuis toute la vie,
Lui dit la guêpe avec courroux :
Considérez-moi, je vous prie :
J'ai des ailes tout comme vous,
Même taille, même corsage ;
Et, s'il vous en faut davantage,
Nos dards sont aussi ressemblants.
Il est vrai, répliqua l'abeille,
Nous avons une arme pareille,
Mais pour des emplois différents.
La vôtre sert votre insolence,
La mienne repousse l'offense ;
Vous provoquez, je me défends.
Jean-Pierre Claris de Florian. Source : www.poesie-francaise.fr
Martinique aout 2017, Jardin de Balata
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Par renal le 23 Septembre 2017 à 09:54
La chenille
Un jour, causant entre eux, différents animaux
Louaient beaucoup le ver à soie.
Quel talent, disaient-ils, cet insecte déploie
En composant ces fils si doux, si fins, si beaux,
Qui de l'homme font la richesse !
Tous vantaient son travail, exaltaient son adresse.
Une chenille seule y trouvait des défauts,
Aux animaux surpris en faisait la critique,
Disait des mais, et puis des si.
Un renard s'écria : messieurs, cela s'explique ;
C'est que madame file aussi.
Jean-Pierre Claris de Florian. Source : www.poesie-francaise.fr
Martinique, aout 2017
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Par renal le 9 Novembre 2013 à 09:01
Le berger et le rossignol
Dans une belle nuit du charmant mois de mai,
Un berger contemplait, du haut d’une colline,
La lune promenant sa lumière argentine
Au milieu d’un ciel d’étoiles parsemé ;
Le tilleul odorant, le lilas, l’aubépine,
Au gré du doux zéphyr balançant leurs rameaux,
Et les ruisseaux dans les prairies
Brisant de claires eaux.
Un rossignol, dans le bocage,
Mêlait ses doux accents à ce calme enchanteur ;
L’écho les répétait, et notre heureux pasteur,
Transporté de plaisir, écoutait son ramage.
Mais tout à coup l’oiseau finit ses tendres sons.
En vain le berger le supplie
De continuer ses chansons.
« Non dit le rossignol, c’est est fait pour la vie ;
Je ne troublerai pas ses paisibles forêts.
N’entends-tu pas dans ce marais
Mille grenouilles coassantes
Qui par des cris affreux insultent à mes chants ?
Je cède, et reconnais que mes faibles accents
Ne peuvent l’emporter sur leur voix glapissantes.
-Ami dit le berger, tu vas combler leur vœux ;
Te taire est le moyen qu’on les écoute mieux ;
Je ne les entends plus aussitôt que tu chantes. »
(Jean Pierre Claris De Florian)
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Par renal le 3 Novembre 2013 à 09:54
Le miroir et la Vérité
Dans le beau siècle d’or, quand les premiers humains,
Au milieu d’une paix profonde,
Coulaient des jours purs et sereins,
La Vérité courait le monde
Avec son miroir dans les mains.
Chacun s’y regardait, et le miroir sincère
Retraçait à chacun son plus secret désir
Sans jamais le faire rougir ;
Temps heureux, qui ne dura guère !
L’homme devient bientôt méchant et criminel.
La Vérité s’enfuit au ciel,
En jetant de dépit son miroir sur la terre.
Le pauvre miroir se cassa.
Ses débris qu’au hasard la chute dispersa
Furent perdus pour le vulgaire.
Plusieurs siècles après on en connait le prix :
Et c’est depuis ce temps que l’on voit plus d’un sage
Chercher avec soin ces débris,
Les retrouver parfois ; mais ils sont si petit
Que personne n’en fait usage.
Hélas ! Le sage le premier
Ne s’y voit jamais tout entier.
(Jean Pierre Claris De Florian)
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Par renal le 27 Octobre 2013 à 08:05
L'AVEUGLE ET LE PARALYTIQUE
Aidons-nous mutuellement,
La charge des malheurs en sera plus légère ;
Le bien que l'on fait à son frère
Pour le mal que l'on souffre est un soulagement.
Confucius l'a dit ; suivons tous sa doctrine :
Pour la persuader aux peuples de la Chine,
Il leur contait le trait suivant.
Dans une ville de l'Asie
Il existait deux malheureux,
L'un perclus, l'autre aveugle, et pauvres tous les deux.
Ils demandaient au ciel de terminer leur vie :
Mais leurs cris étaient superflus,
Ils ne pouvaient mourir. Notre paralytique,
Couché sur un grabat dans la place publique,
Soufflait sans être plaint; il en soufflait bien plus.
L'aveugle, à qui tout pouvait nuire,
Était sans guide, sans soutien,
Sans avoir même un pauvre chien
Pour l'aimer et pour le conduire.
Un certain jour il arriva
Que l'aveugle à tâtons, au détour d'une rue,
Près du malade se trouva;
II entendit ses cris, son âme en fut émue.
Il n'est tels que les malheureux
Pour se plaindre les uns les autres.
«J'ai mes maux, lui dit-il, et vous avez les vôtres :
Unissons-les, mon frère; ils seront moins affreux.
- Hélas ! dit le perclus, vous ignorez, mon frère
Que je ne puis faire un seul pas; Vous-même vous n'y voyez pas:
À quoi nous servirait d'unir notre misère.
- À quoi? répond l'aveugle, écoutez:
à nous deux Nous possédons le bien à chacun nécessaire,
j'ai des jambes, et vous des yeux.
Moi, je vais vous porter; vous, vous serez mon guide
Vos yeux dirigeront mes pas mal assures,
Mes jambes à leur tour iront où vous voudrez:
Ainsi, sans que jamais notre amitié décide
Qui de nous deux remplit le plus utile emploi,
Je marcherai pour vous, vous y verrez pour moi.»
(Jean Pierre Claris De Florian)
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Par renal le 17 Octobre 2013 à 09:08
Le Rossignol et le Prince
Un jeune prince, avec son gouverneur,
Se promenait dans un bocage,
Et s’ennuyait suivant l’usage ;
C’est le profit de la grandeur.
Un rossignol chantait sous le feuillage ;
Le prince l’aperçoit, et le trouve charmant ;
Et, comme il était prince, il veut dans le moment
L’attraper et le mettre en cage.
Mais pour le prendre il fait du bruit,
Et l’oiseau fuit.
« Pourquoi donc, dit alors son altesse en colère,
Le plus aimable des oiseaux
Se tient-il dans les bois, farouche et solitaire,
Tandis que mon palais est rempli de moineaux ?
- C’est lui dit le mentor, afin de vous instruire
de ce qu’un jour vous devez éprouver :
les sots savent tous se produire
le mérite se cache, il faut l’aller trouver. »
(Jean Pierre Claris De Florian)
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Par renal le 13 Octobre 2013 à 09:52
Le philosophe et le Chat-huant
Persécuté, proscrit, chassé de son asile,
Pour avoir appelé les choses par leur nom,
Un pauvre philosophe errait de ville en ville,
Emportant avec lui tous ses biens, sa raison.
Un jour qu’il méditait sur le fruit de ses veilles,
C’était dans un grand bois, il voit un chat-huant
Entouré de geais, de corneilles,
Qui le harcelaient en criant :
« C’est un coquin, c’est un impie,
Un ennemi de la patrie ;
Il faut le plumer vif : oui, plumons, plumons,
Ensuite nous le jugerons. »
Et tous fondaient sur lui, la malheureuse bête,
Tournant et retournant sa bonne et grosse tête,
Leur disait, mais en vain, d’excellentes raisons.
Touché de son malheur, car la philosophie
Nous rend plus doux et plus humains,
Notre sage fait fuir la cohorte ennemie,
Puis dit au Chat-huant : « Pourquoi ces assassins
En voulaient-ils à votre vie ?
Que leur avez-vous fait ? » L’oiseau lui répondit :
« rien du tout, mon seul crime est d’y voir clair la nuit. »
(Jean Pierre Claris De Florian)
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