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Par renal le 24 Juin 2010 à 08:39
La Grande Conférence universelle et intemporelle
Un jour, un prince du Très-Haut convoqua un grand nombre de penseurs, philosophes, poètes, écrivains, moralistes, mystiques et savants pour disserter d'une question à la fois banale et d'une légendaire complexité : l'Homme. Par quelle coupable ironie du sort n'était-il possible de rapporter la plupart des destinées d'hommes qu'en commençant par le mot « hélas » ? Pourquoi l'homme semblait-il donc s'acharner à gâcher ainsi la louable liberté qui lui avait été accordée avec magnanimité par le Très-Haut ? Quel terrible fatum l'incitait à se précipiter dans les abîmes du péché, de la résignation, du désespoir ? Par quel insidieux poison son cœur s'en trouvait-il perverti ?
Une grande Conférence universelle et intemporelle fut donc préparée pour débattre de cette question. Les hôtes qui y furent conviés étaient très variés, avec cependant cette caractéristique commune : intellectuels réputés, tous avaient atteint un âge respectable laissant augurer une sagesse hors du commun; le plus ancien, Pindare, était né voilà plus de deux mille cinq cents ans, tandis que le benjamin était presque centenaire.
Comment donc pouvait-on définir l'Homme ?
— Un caprice chromosomique.
— Soixante-dix kilos de chair et d'os.
— Un germe né d'une poignée de poussière.
— Un corps et une âme, livrés sans mode d'emploi.
— Une conscience qui a le tourment de l'infini.
— Un promeneur qui erre sur le chemin sans en connaître le but,
— Un fil conducteur qui n'est pas « au courant ».
— Une œuvre à accomplir.
— Un bloc de marbre qui se prend pour une statue immortelle avant même d'être taillé par le destin.
Un dieu couché sur le lit de camp du temporel.
— Un faiseur de songes, un rêveur d'impossible, ou mieux : un rêve qui se prend pour une réalité.
— Un passant étourdi et amnésique qui se soumet au concept mystérieusement générique de fatalité.
— Une pierre qui méprise les autres pierres et qui rêve pourtant de devenir clé de voûte. !
— Un être responsable, qui se croit seul et unique.
— La défaite toujours recommencée de la vanité et de l'orgueil.
— Tantôt une semence, tantôt un débris...
— Un animal pervers qui cherche à se venger d'une jungle qu'il ne connaît pas.
— Un je-ne-sais-quoi qui ne sait presque rien.
— Quelque chose entre zéro et l'infini.
— Un malentendu entre Dieu et la nature.
— Tantôt un saint, tantôt un assassin!
Du rire et des larmes : voilà le propre de l'homme!
« L'homme ? Quelqu'un qui ne peut rester lui-même qu'en travaillant sans cesse à s'élever au-dessus de lui-même. » (Jules Lachelier)
« L'homme est fait de la substance des songes » (Shakespeare)
« Il n’y a pas de cause d’erreur plus fréquente que la recherche de la vérité absolue. » (Samuel Butler)
« Le plus précieux de nous-mêmes est ce qui reste informulé. » (André Gide)
« Quel crime avons-nous fait pour mériter de naître ? Notre crime est d’être homme et de vouloir connaître : ignorer et servir, c’est la loi de notre être. »(Lamartine)
« L’homme n’est rien en lui-même. Il n’est qu’une chance infinie. Mais il est le responsable de cette chance. » (Camus)
« Être homme, c’est précisément être responsable. C’est sentir en posant sa pierre, que l’on contribue à bâtir le monde. Il est déjà grand le soldat qui se découvre sentinelle. » (Saint Exupéry)
« La vie parfois se présente vulgaire ; mais le sage, pour en relever l’originelle bassesse, a cette ressource de rêver. » (Paul Arène)
« L’homme est une corde tendue entre l’animal et le surhomme, une corde au-dessus de l’abîme. » (Nietzche)
« On ne fonde en soi l’Être dont on se réclame que par des actes. Un Être n’est pas l’empire du langage, mais de celui des actes. » (Cap Juby)
« Le monde serait meilleur si vous l’étiez… » (Saint Paul)
« Si les cœurs étaient clairs, le monde serait clair. » (Jacques Audiberti)
« L’homme n’est ni bon ni méchant, il naît avec des instincts et des aptitudes. » (Balzac)
« Il s’agit de passer du dehors au-dedans, de découvrir un ciel intérieur à nous-mêmes. Etre humain, c’est être capable de créer au-dedans de soi, un bien si précieux qu’il dépasse tous les biens. » (Zundel)
« Mon fils la plus lâche de toutes les tentations est celle du découragement. » (Saint François de Sales)
« Il n’y a pas d’amour de vivre sans désespoir de vivre. » (Camus)
« L’homme est une passion inutile. On ne fait pas ce qu’on veut, et cependant on est responsable de ce qu’on est. » (Sartre)
« Dire que l’homme est un composé de force et de faiblesse, de lumière et d’aveuglement, de petitesse et de grandeur, ce n’est pas lui faire son procès, c’est le définir. » (Diderot)
« Qui vit sans folie n’est pas si sage qu’il croit. » (La Rochefoucauld)
« La vérité de l’homme, s’il y a une vérité de l’homme, n’est pas en lui, mais au-dessus de lui. Il lui faut se dépasser pour se rejoindre (Maulnier)
« L’homme est une plante qui porte des pensées, comme un rosier porte des roses, et un pommier des pommes. » (Antoine Fabre d’Olivet)
« Il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à mépriser. » (Camus)
« L’homme est un poème que l’Être a commencé. » (Heidegger)
« Il faut réinventer le passé pour voir la beauté de l’avenir. Il est temps d’instaurer la religion de l’amour. » (Aragon)
« Devant les murs de la cité, un soir d’hiver. Un homme qui avait beaucoup souffert Cria, désespéré : « Quel but poursuit la vie ? »
Et clairement, l’Écho lui répond ; La vie ! » (Frans de Wilde)
Fin.
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Par renal le 25 Juin 2010 à 07:23
Le jardin de l’éternelle harmonie.
« Mi-sage, mi-singe, je suis perché sur l’arbre de l’amère dérision, et je regarde au loin couler le fleuve de la vie, qui mêle en son flot l’amertume et la joie. »
« Le rythme unanime des formes se rit de l’espace et la profondeur immobile du silence se rit du temps »
« Rien ne doit troubler le rythme de ton pas. Si ton pas est sûr, qu’elle que soit la nature du sol, ta progression sera irrésistible. La chose est vraie dans toute action. De même dans toute pensée ; si tu sais dompter tes émotions et unifier tes tendances contraires pour les ramener au juste sentiment, la souffrance et la joie se rejoindront dans l’imperturbable sérénité »
« Il faut baisser les yeux et découvrir humblement sa propre image, avant de tourner le regard vers le ciel, et de décrocher la flèche de l’être vers l’infini, qui est aussi la plénitude de
l’amour. »
(François Garagnon)
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Par renal le 23 Juin 2010 à 20:59
Leçon de choses et d'autres
Il se passe sur la terre des hommes des choses fort bizarres. J'en reviens et je dois dire que bien des événements me dépassent. Les hommes sont passés maîtres dans la transmutation de la matière; ils ont inventé des objets confondant d'ingéniosité.
« Par exemple, on voit un peu partout des grandes masses en fer avec des roues en caoutchouc. On s'y assoit sur des sièges confortables, on enfile une clé dans une petite fente, et il se produit une légère vibration suivi d'un bruit régulier. Alors, l'homme pousse une manette et il appuie doucement avec le pied sur une pédale en caoutchouc, comme ça, sans effort. C'est alors qu'un effet tout à fait extraordinaire se produit. La machine avance et l'homme s'en va confortablement où il veut sur la terre, bien à l'abri dans sa vitrine roulante, indifférent à la pluie et aux intempéries, au vent contraire, aux pentes les plus redoutables, à la nuit la plus sombre, allant par monts et par vaux à une vitesse avec laquelle nul animal ne saurait rivaliser. Ce sont des machines merveilleuses, vraiment, parce que ce sont des instruments de liberté que l'homme peut utiliser quand il veut et sans effort.
— Merveilleux! Désormais, les hommes doivent se sentir prodigieusement libres!
— Hélas, non! Ils vont de plus en plus vite, de plus en plus loin, mais ils ne savent pas où ils vont. C'est bien là le drame!
— Quel dommage!
— Il y a un autre instrument inouï, qu'on trouve dans toutes les maisons. C'est une petite boîte hermétique, très légère, avec des boutons numérotés sur lesquels on appuie quand on a envie de parler à quelqu'un. Un homme compose un numéro sur le clavier et, quelques secondes plus tard, il entend la voix d'un de ses semblables qui passe dans le fil. On peut ainsi joindre presque n'importe quel homme vivant sur la terre, même à l'autre bout du monde, en quelques secondes seulement. Ainsi les hommes peuvent prendre contact quand ils veulent avec leurs semblables et converser librement.
— Je ne comprends pas : pour joindre ainsi des millions de millions d'hommes différents, les claviers doivent être d'une extrême sophistication ?
— Pas du tout. Rien n'est plus simple. Il n'y a que dix chiffres seulement, mais il existe des millions de combinaisons possibles.
— C'est fascinant!
— Réellement. Mais bien que ce soit une invention récente, les hommes l'utilisent comme un objet tout à fait banal, qui a toujours existé.
— Tout de même, cela doit rapprocher considérablement les hommes entre eux...
— Pas le moins du monde! Ils n'ont jamais été aussi seuls.
— C'est là un paradoxe bien étrange. Comment expliquer cela ?
— Cela ne s'explique pas. C'est ainsi.
— Quel dommage!
— Mais ce n'est pas tout. Il y a une invention qui révèle leur génie de manière plus manifeste encore, parce qu'elle est invisible et qu'on n'en voit que l'effet.
— Les hommes seraient-ils donc capables de faire des miracles ?
— N'exagérons rien! Simplement, ils ont mis leur génie dans l'exploration toujours plus avancée de la matière. Ainsi, dans les maisons, lorsque la nuit tombe, il suffit d'appuyer sur un bouton pour que la lumière se fasse. C'est très beau vu d'en haut. On dirait des étoiles qui s'allument une à un
— C'est tout à fait magique!
— Il me semble aussi. Mais les hommes ne se soucient plus guère de ce genre de magie. Pour eux, faire la lumière, c'est devenu aussi naturel que de respirer.
— Mais de quand date cette géniale invention ?
— Oh! il n'y a pas si longtemps! Pour les grands-parents des hommes actuellement sur terre, cette réalité eût paru inconcevable.
— Et les hommes d'aujourd'hui ne s'en émerveillent pas ?
— Pour dire la vérité : pas le moins du monde! On dirait même que, par une insigne ironie du sort, leur champ de vision s'est rétréci et que leur esprit s'est assombri.
— Est-ce à dire qu'ils ont réussi à transmuter la matière en lumière et qu'ils se montrent incapables de transformer leur vie en lumière ?
— Assurément, le fait est à craindre...
— Comment expliquer pareille incongruité ?
— Tout se passe sur la terre des hommes comme si la matière devenait de plus en plus intelligible, et l'homme de moins en moins. Ils sont parvenus à déchiffrer F infiniment petit, l'infiniment grand, mais l'homme semble comme une bribe de phrase détachée du reste, et qui a perdu son sens. Ils ont perdu la foi, ils ne considèrent plus leur valeur infinie, leur intériorité, le retentissement de leur conscience, ils ont orienté leurs exigences non plus sur eux-mêmes mais sur ce qui les environne. Les hommes sont hors d'eux-mêmes. Ce sont des hommes-ombres.
— Mais s'ils ne lèvent plus la tête vers l'infini, comment peuvent-ils s'enthousiasmer et s'épanouir ? Que leur reste-t-il à admirer pour enflammer leur cœur ?
— Ils n'admirent plus, ils dissèquent. Il y a de moins en moins de jardiniers et de plus en plus de botanistes. Il y a de moins en moins de poètes et de plus en plus de biologistes. Les hommes veulent tirer tous les secrets de la matière et découvrir une signification à tout. Mais ils se préoccupent peu d'en trouver une pour eux-mêmes. Le plus prodigieux, ce ne sont pas ces biens nés du génie de l'homme, le ! plus extraordinaire c'est que ces biens formidables ne leur procurent pas le bonheur promis.
— Quel gâchis d'énergie! Ils passent donc leur temps à analyser les choses ?
— Pas seulement : ils vendent aussi. C'est leur grande occupation. Tout se vend, tout se paie. Même l'eau naturelle, qu'ils mettent dans des bouteilles. Vous verrez : bientôt, l'oxygène sera mis en bonbonne, comme le gaz, et il faudra régulièrement acheter sa dose vitale.
— Quelle hérésie! La nature ne se charge-t-elle pas de dispenser tous ces biens gratuitement ?
— C'est-à-dire que les hommes passent leur temps à s'empoisonner l'existence. En faisant la guerre, bien sûr, mais aussi en salopant la nature.
— Alors, c'est la fuite en avant, vers le néant!
— Ça, je ne sais pas. Simplement, j'ai le sentiment que cette terre est de moins en moins habitée.
— Mais enfin : on ne cesse d'entendre parler là-bas des risques de surpopulation!
— Je veux dire que ce sont les âmes qui sont de moins en moins habitées...
— Fichtre! La situation est plus grave que je ne pensais! Que faudrait-il faire?
— Je n'en ai pas la moindre idée. Mais si j'étais Dieu, je songerais à remettre un peu d'ordre dans tout ça. Vois-tu, le plus souvent, lorsqu'on observe les hommes en prenant un peu de hauteur, on a comme image celle d'une foule grouillante et anonyme composée d'êtres en quête perpétuelle de quelque chose qu'ils ne sauraient pas véritablement définir, de quelqu'un qu'ils ne sauraient pas spontanément reconnaître, et qui se hâtent, le front bas, le regard inquiet et souvent hostile, vers des destinées éparses, tentant de rassembler des morceaux de vie glanés ça et là, au petit bonheur la chance. Oui, ils s'acheminent douloureusement vers des petits bonheurs la chance qui les consolent un peu du grand bonheur perdu... »
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Par renal le 23 Juin 2010 à 09:44
« II y a du Petit Prince dans ce regard porté sur là terre des hommes, et une approche d'allumeur de réverbères. Il y a un peu de cette féline distance qui sied aux enfants rebelles, sensibles par dessus tout à la beauté et à l'harmonie, et qui entreprennent de refaire le monde non pas pour qu'il soit parfait mais pour qu'il soit fervent.
Il y a de l'émotion, des élans poétiques, des paradoxes existentiels, d'insondables abîmes de nostalgie, de la foi et de la joie, du suspens et des conclusions inattendues, des questions essentielles d'une portée intemporelle, d'extraordinaires leçons de vie surtout. Il y a une dimension apologétique à travers l'éloge du silence, de l'émerveillement, de la dignité, de l'honneur et du sacrifice. Il y a enfin cette manière d'entonner un air oublié pour réveiller
notre petite musique intérieure et nous guider imperceptiblement vers un royaume promis, jusqu'à l'ultime étoile, »
(François Garagnon)
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