• Contes philosophique (La patience)

    La patience

    Un jeune lettré venait d'être reçu au concours de mandarin. Avant de rejoindre sa première affectation officielle, il organisa une fête avec ses condisciples pour célébrer l'événement. Au cours de la soirée, l'un de ses amis, qui était déjà en poste depuis quelque temps, lui donna ce conseil :

    — Surtout, n'oublie pas : la plus grande vertu du mandarin, c'est la patience.

    Le fonctionnaire novice salua respectueusement son aîné et le remercia chaleureusement pour cette précieuse recommandation.

    Un mois plus tard, au cours d'un banquet, le même ami lui préconisa encore de bien s'appliquer à la patience. Notre jeune lettré le remercia avec un sourire amusé.

    Le mois suivant, ils se croisèrent dans les couloirs feutrés d'un ministère. L'aîné attrapa la manche du cadet, le tira vers lui et lui souffla dans l'oreille son sempiternel conseil. L'autre, contrairement à l'étiquette ouatée qui était de rigueur dans les bâtiments officiels, retira brusquement sa manche de soie et s'écria :

    — Tu me prends pour un imbécile ou quoi ? Voilà trois fois que tu me répètes la même chose !

    Pendant qu'un cortège de dignitaires outrés se retournait, le mentor déclara :

    — Tu vois, j'ai bien raison de le répéter. Mon conseil n'est pas si facile à mettre en pratique !

    (Contes des sages taoïstes, Pascal Fauliot. Seuil (p. 125-126).

     

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