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Le Molosse
LE CONTEUR PHILOSOPHE
DE MICHEL PIQUEMAL
Plus les journées passaient, plus j'avais l'impression que les histoires de Sophios étaient comme autant de trésors, je regrettais celles que j'avais manquées et me mis à questionner mes camarades, afin de rattraper quelques leçons du temps passé. Chacun eut alors à cœur de me raconter une anecdote :
Le Molosse
Un molosse vivait dans un enclos au bout d'une lourde chaîne de fer. Son maître, le disant méchant et vicieux, déconseillait à quiconque de l'approcher. Il est vrai que ceux qui tendaient la pointe d'un bâton se le faisaient promptement déchiqueter. Ils partaient alors en se réjouissant de n'avoir pas approché leur propre main.
Le maître ne gardait donc ce chien que pour protéger sa maison et organiser de temps en temps des combats avec d'autres molosses, où la bête montrait toujours sa supériorité en haine et en méchanceté. Les enfants, pour leur part, ne passaient jamais à côté de l'enclos sans y jeter quelques pierres. Or un jour, Sophios vint à traverser le village. En voyant ce molosse qui ruait de rage au bout de sa chaîne, il en éprouva de la compassion. Et il passa la journée près de lui sans se soucier de ses aboiements furieux. Au crépuscule, le molosse finit par se calmer et il écouta la voix douce de Sophios. Celui-ci put l'approcher, plus près et plus près encore, jusqu'à finalement le caresser. Il termina sa nuit dans l'enclos, et au petit matin, les villageois eurent la surprise de trouver leur bête fauve en train de lécher le vieil homme. Tous mirent cela sur le compte d'un miracle, et le propriétaire n'hésita pas à offrir le chien à Sophios. Mais ce dernier refusa l'idée d'une guérison miraculeuse. Il savait simplement ce que tous auraient dû savoir: le regard que l'on porte sur son prochain suffit à le changer.
(Argentine)
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