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Lorsque les morts gouvernent les vivants
LE CONTEUR PHILOSOPHE
DE MICHEL PIQUEMAL
- Maître, demanda un jour un de mes compagnons, vous ne nous racontez jamais les grandes histoires glorieuses du passé. N'est-il pas bon de se souvenir?
- Se souvenir, oui ! répondit Sophios. Mais ne pas se laisser envahir ou ensevelir ! Écoutez l'histoire des Monates
Lorsque les morts gouvernent les vivants
II y eut autrefois un peuple appelé Monates, qui fut massacré par ses voisins, les Crébins. Ce fut une affreuse tuerie que rien ne pouvait justifier... et les survivants vécurent désormais avec cette blessure ouverte en eux. À force de courage, ils réussirent à refonder des familles et éduquèrent leurs enfants dans le souvenir de ces horribles souffrances. Les enfants firent de même, ainsi que les enfants de leurs enfants; et les Monates vécurent alors dans une véritable obsession de ce qu'on avait fait à leurs ancêtres. Les souvenirs prirent la dimension d'un mythe qui étouffait les enfants dès leur naissance. Par crainte de voir leur massacre recommencer un jour, les Monates s'armèrent, au point d'avoir bientôt l'armée la plus puissante de la région. Partout ils en vinrent à soupçonner des ennemis qui les menaçaient, des ennemis qu'il fallait contrôler, surveiller, voire anéantir avant qu'ils ne se montrent dangereux. Et bientôt, ce fut à leur tour de tuer et de retourner vers les autres cette violence qui les emprisonnait depuis des siècles. Car s'il est bon de se souvenir, il n'est pas bon de laisser les morts gouverner les vivants.
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