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PAS LE TEMPS
PAS LE TEMPS
On s’est rencontré, c’était le printemps.
On s’est revu.
On s’est aimé de temps en temps.
Pas le temps de prendre garde
Au moribond qui vous regarde,
Affamé et grelottant,
Dont vous êtes l’unique espoir.
Il est trop tard, il fait noir, il faut que je rentre vite.
D’ailleurs cet homme là n’est pas des nôtres :
« S’il fallait se déranger pour tous ces étrangers »
Et de prendre la fuite en lui jetant : « Pas le temps ! »
Pas le temps d’avoir pitié,
Alors que plus de la moitié du monde souffre et saigne,
Alors que règnent la terreur et l’horreur.
Alors que des millions de petits innocents
Tendent vers nous des bras impuissants
En implorant : « Du lait …. du lait… ! »
Désolé, pas le temps.
Pas le temps d’aimer.
Pas le temps de s’alarmer
de l’injuste malheur des autres.
On s’est souvenu quelque temps.
Pas longtemps !
Pas le temps
On se plaisait bien.
Il me semble qu’on aurait pu, main dans la main,
Faire peut-être un long chemin,
Avec un peu de fantaisie, de poésie.
Essayer de sourire ensemble !
On avait 20 ans !
Pas le temps pour regarder ce joli paysage,
On pourrait bien ralentir un instant.
Peut-être qu’au prochain virage,
La mort est là qui nous attend …
Tant pis pas le temps.
Pas le temps de s’intéresser,
De se mettre dans l’embarras pour ce qui sera.
Pas le temps d’avoir des regrets, des remords.
Pas le temps d’être pour ou contre,
Jusqu’au jour où la mort, à son gré
Sans consulter votre bracelet-montre,
Vous emportera, haletant, dans la nuit des temps.
(Jean Humenry)
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