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Prière à la mer
Prière
Ô Mer, ancienne et jeune, gracieuse et farouche, reine des pavois de fête, souveraine des tempêtes, Ô mer, accorde ta miséricorde à ses pécheurs venus pour déposer la caresse ingénue de leurs yeux sur la risée de ta joue bleue. De grâce, reste la clémente envers les braves gars à l’âme simple que voici, mains jointes et genoux pliés au fond de leurs chaloupes si petites parmi toi si grande, ô Mer des fils et des aïeux ! Daigne sourire aux soufflets pacifiques de nos avirons ; souris encore à l’innocente égratignure de nos hameçons ; puis qu'une brise sereine arrondisse en fruits mûrs bâbord ou tribord amures nos taille-vents et nos misaines et que ton cœur profond fasse taire là-bas marsouins et bélugas qui sont les ogres des sardines, mignons petits-poucets de l'abîme qui vont par bancs semblables à des tas d'argent et que les filles des usines serrent dans des boîtes mêmement qu'images, fleurs ou papillons, dans le missel de leur première communion. Et sois, Mer de Bretagne, sois hospitalière à ces filets qui nous font vivre, afin que lourds on les retire de tes bancs féconds, comme on tire un délivre où chante l'avenir. Enfin, les noirs démons de tes rafales, à jamais amarre-les dans les cavernes de ces côtes, fabuleuses grottes que tu fermeras avec les épaves, mâts brisés, gouvernails rompus, coques défoncées, de tous les navires engloutis depuis ta première colère, Océan, et que les coups d'aile des guilloux, des goélands, des mouettes et des cormorans signifient désormais sur nos fronts tes gestes d'espérance et de bénédiction.
Ainsi soit-il
Saint-Pol Roux
(Guadeloupe)
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