• Une mauvaise conseillère

     

    LE CONTEUR PHILOSOPHE DE MICHEL PIQUEMAL

       EXTRAITS

     

    Résumé : Sur une île, vit Sophios, le conteur philosophe. A son école, on pose des questions auxquelles le vieux sage répond toujours pas de malicieuses histoires où il évoque la liberté, le respect des lois, l’amitié, la différence, la destinée, l’écologie.

     

    Imprégnées des cultures du monde, ces fables de Sophios aident tous les curieux à entrer joyeusement en philosophie.

     

    Lorsque je pénétrai pour la première fois dans la salle où Sophios donnait ses enseignements, je fus abasourdi par la façon dont cela

     

    se passait.  L'un des élèves posait une question. Sophios réfléchissait, puis répondait par une fable que tous commentaient.

     

    Le premier jour, par exemple, je m'en souviens parfaitement,

     

    un élève demanda:

    - Maître, on dit souvent qu'on est à soi-même son propre ennemi. Pouvez-vous nous en donner une illustration ?

    Sophios ferma quelques instant les yeux, puis se mit à conter:

     

    Une mauvaise conseillère

     

    Un jour que l'aigle était en chasse, le renard se glissa jusqu'à son nid et en dévora les œufs. Mais avant de partir, le rusé prit bien soin de parsemer le bord du nid de bouts de laine trouvés dans les buissons. Lorsque l'aigle rentra, sa colère n'eut pas de limite. On avait dévoré ses petits. Le mouton, car ce ne pouvait être que lui (la laine au bord du nid l'accusait!), avait osé commettre le pire des forfaits. Ivre de vengeance, l'aigle s'élança de son aire avec l'intention de se saisir des plus jeunes agneaux pour les précipiter dans un ravin. Mais au moment où il piquait vers le village, le brouillard se. leva, un brouillard épais comme de la poix... et il dut remettre son projet au lendemain.

     

    De retour dans son nid, la colère fit place à la réflexion. Comment le mouton avait-il pu grimper si haut et faire preuve de pareille audace? Et qui avait jamais entendu parler de moutons gobant des œufs? Il examina les alentours et ne trouva pas trace de sabots. Par contre, les empreintes du renard étaient parfaitement visibles sur la terre mouillée. L'aigle comprit alors la supercherie, bien digne du renard. Il comprit aussi combien la colère l'avait aveuglé. Il bénit le brouillard bien venu. À l'avenir, il réfléchirait mieux avant d'agir !

     


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