• Ronde

     

    Dans cette ronde,

    Entrez la blonde ;

    Entrez la brune

    Avec la lune,

    Vous, la pluie douce,

    Avec la rousse ;

    Vous la châtaine,

    Avec la plaine ;

    Vous, la plus belle,

    Avec le ciel.

    J’y entre, moi,

    Avec la joie.

     

    Maurice Carême (Á l’ami Carême)

     

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  •  

    L’homme

     

    L’homme et l’oiseau se regardèrent.

    -        Pourquoi chantes-tu ? lui dit l’homme.

    -        Si je le savais, dit l’oiseau

    Je ne chanterais plus peut être.

     

    L’homme et le chevreuil se croisèrent.

    -        Pourquoi joues-tu ? demanda l’homme.

    -        Si je savais, dit la bête

    Est-ce que je jouerais encore ?

     

    L’homme et l’enfant se rencontrèrent.

    -        Pourquoi ris-tu ? dit l’homme.

    -        Si je le savais, dit l’enfant,

    Est-ce que je rirais autant ?

     

    Et l’homme s’en alla, pensif.

    Il passa près du cimetière.

    -        Pourquoi penses-tu, dit un if

    Qui poussait dru dans la lumière.

     

    Et, pas plus que l’oiseau dans l’ombre,

    Que le chevreuil dans la clairière

    Ou que l’enfant riant dans l’air,

    L’homme ne put rien lui répondre.

     

    Maurice Carême (Défier le destin)

    photos394

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  • Le chasseur

     

    Quand il fut dans le bois,

    Le loup n’y était pas.

     

    Quand il fut près du puits,

    Le renard avait fui.

     

    Quand il fut près du pré,

    La pie l’avait quitté.

     

    Quand il fut dans le champ,

    Plus le moindre faisan.

     

    Il jeta son fusil

    Et vit, tout ébahi,

     

    Le faisan dans le champ,

    La pie au cœur du pré,

    Le renard près du puits,

    Le loup dans le taillis.

     

    Il en fut si marri

    Qu’il reprit son fusil.

     

    Et soudain plus de loup,

    Plus de renard surtout,

    Plus de pie, de faisan,

    Lui, tout seul, comme avant.

     

    Maurice Carême (Au clair de la lune)

     

    Fôret du Pontis (9)

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  • Il était un roi

     

    Il était un roi si pauvre

    Qu’il n’avait pas même un chien.

    Il traversait son royaume,

    Pieds nus, comme un bohémien.

     

    Il était le roi si simple

    Qu’il dormait sans matelas.

    Il n’inspirait nulle crainte,

    Il n’avait pas de soldats.

     

    Mais tous ceux qui lui parlaient

    Se sentaient les rois d’un jour

    Tant sa voix leur inspirait

    De force grave et d’amour.

     

    Ainsi ce roi sans couronne

    Créait chaque jour des rois,

    Car la vraie royauté donne

    Bien plus qu’elle ne reçoit.

     

    Maurice Carême (La lanterne magique)

    Col du Noyer 1664 m (3)

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  •  

    Si j’étais mouette

     

    Et si, pourtant, j’étais mouette,

    Dieu sait ce que vous penseriez.

    J’ai quelque fois du ciel en tête,

    Mais pas d’ailes pour le gagner.

     

    Pattes roses et plumes blanches,

    Ah ! Vous en contenteriez-vous !

    Je passerais ce long dimanche

    Blotti au creux de vos genoux.

     

    Je vous agacerais du bec,

    Vous me caresseriez le cou

    Et vous croiriez jouer avec

    L’amour devenu oiseau fou.

     

    Votre gorge se lèverait

    Comme fait la brise marine.

    D’autres mouettes passeraient

    Criant comme des sauvagines.

     

    Nous resterions à la fenêtre

    Si surpris de n’avoir qu’un cœur

    Que le soir nous prendrait peut-être

    Pour des oiseaux venus d’ailleurs.

     

    Maurice Carême (Mer du nord)

    2013-08-02 11.14.34Port Louis, Citadelle (10)

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  •  

    La porte magique

     

    Le roi vint pour ouvrir la porte

    Avec son sceptre et sa clé d’or.

    Le roi vint pour ouvrir la porte.

    Il lui fallut rester dehors

     

    La reine vint avec l’anneau,

    La clé d’argent et son camée.

    La reine vint avec l’anneau,

    Mais la porte resta fermée.

     

    Puis vint un mage avec sa pie,

    Ses talismans et sa clé rouge.

    Puis vint un mage avec sa pie,

    Mais aucun des verrous ne bouge.

     

    Lors, on manda le serrurier

    Avec les mille clés du monde.

    Lors, on manda le serrurier

    La porte ne frémit d’une ombre.

     

    Alors, un pauvre homme arriva

    Par hasard devant cette porte.

    Alors, un pauvre homme arriva

    Et il l’ouvrit sans embarras

    Avec un simple bout de bois.

     

    Maurice Carême (Complaintes)

     

    DSC_4858

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  • Le cerisier

     

    Un cerisier se mit à rire

    Sans savoir pourquoi.

    Les moineaux, tous à la fois,

    Rirent de l’entendre rire.

     

    Ce rire gagna les maisons

    Et, par-dessus les bois,

    Déferla jusqu’à l’horizon.

     

    « Que se  passe-t-il dans le monde ? »

    Dit Dieu surpris.

    Il vint à la fenêtre ronde

    Du paradis.

     

    Et comme, autour du cerisier,

    Le monde riait aux éclats

    Sans savoir pourquoi,

     

    Dieu lui-même dut se cacher

    Le visage dans les mains

    Pour que les anges et les saints

    Ne le voient pas rire pour rien.

     

    Maurice Carême (La lanterne magique)

    DSC_0639

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  • L’artiste

     

    Il voulu peindre une rivière ;

    Elle coula hors du tableau.

     

    Il peignit une pie-grièche ;

    Elle s’envola aussitôt.

     

    Il dessina une dorade ;

    D’un bond, elle brisa le cadre.

     

    Il peignit ensuite une étoile ;

    Elle mit le feu à la toile.

     

    Alors, il peignit une porte ;

    Au milieu même du tableau.

     

    Elle s’ouvrit sur d’autres portes,

    Et il entra dans le château.

     

    Maurice Carême (Entre deux mondes)

     

    Lac du Sautet (34)

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  • L’homme et le chien

     

    Il ne voyait rien, il ne cherchait rien,

    Il se contentait d’avoir un grand chien.

     

    Á qui il parlait, à qui il riait

    Comme à un ami qui  lui ressemblait.

     

    Á deux, ils formaient surement quelqu’un,

    Quelqu’un de très bon, quelqu’un de très bien.

     

    Traversant la vie sans souci aucun,

    Simplement content d’être très content,

     

    De ne désirer rien d’autre vraiment

    Que d’être ici-bas un homme et un chien.

     

    Maurice Carême (Au clair de lune)

     

    Cascade de la Pisse de Lanchâtra (2)

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  •  

    Mon frère Charles d’Orléans

     

    Mon frère Charles d’Orléans

    Je suis pauvre et tu étais riche,

    Mais je n’ai pas laissé en friche

    Mon maigre carré de froment.

     

    Petits métiers, petits paniers,

    Mes grands-parents étaient forains

    Et ils n’avaient sur leur quartier

    Qu’un cerceau et un arlequin.

     

    On dit  qu’en ton château de Blois,

    Les fontaines montaient si claires

    Que l’on y voyait au travers

    S’abreuver les chevreuils du roi.

     

    Mais ma mère était reine

    Couronnée de vrais liserons

    Dans la plus petite maison

    De l’étroite rue des Fontaines.

     

    Maurice Carême (Brabant)

    Sur la route du Col du Noyer (11)

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  • 005

    La Vie

    Comme il passait sur le sentier,
    Il vit la vie dans un pommier,

    La vie qui récoltait les pommes
    Tout comme l’aurait fait un homme.

    Elle riait, riait si haut
    Qu’autour d’elle tous les oiseaux

    Chantaient, chantaient si éperdus
    Que nul ne s’y entendait plus.

    La mort, assise au pied de l’arbre,
    Aussi blanche et froide qu’un marbre,

    Tenait à deux mains le panier
    Où les pommes venaient tomber.

    Et les pommes étaient si belles,
    Si pleines de jus, si réelles

    Que la mort, lâchant le panier,
    S’en fut sur la pointe des pieds.

    Maurice Carême

    028

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  • Le Cœur Pur

     

    Il se contentait d'être
    Heureux sans le paraître.
    Et, se moquant des grands,
    Il vivait comme un gueux,
    Fuyait les gens sérieux
    Et la gloire et l'argent.
    On l'aurait volontiers
    Arrêté, enfermé.

    Mais quel homme au cœur pur
    Ne traverse les murs

     

    Maurice Carême

    Chapelle Sainte Marie l'Egyptienne  Le Cros (16)

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  • Simple Vie

    C'est du soir en fruit,
    De la nuit en grappe
    Et le pain qui luit
    Au clair de la nappe.

    C'est la bonne lampe
    Qui met, sur les fronts
    Rapprochés en rond
    Sa joie de décembre.

    C'est la vie très simple
    Qui mange en sabots,
    C'est la vie des humbles :
    Sourire et repos.

    Maurice Carême

    scane 452

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  • cheval067

    Quand Les Chevaux Rentrent Très Tard

    Il arrive que, rentrant tard
    Par les longues routes du soir,
    Les chevaux tout à coup s'arrêtent,
    Et, comme las, baissent la tête.
    Dans la charrette, le fermier
    N'esquisse pas le moindre geste
    Pour les contraindre à se presser.
    La lune, sur les blés jaunis,
    Vient lentement de se lever,
    Et l'on entend comme le bruit
    D'une eau qui coule dans l'été.
    Quand les chevaux rentrent très tard,
    Le fermier ne sait pas pourquoi,
    Le long des routes infinies,
    Il les laisse avidement boire
    Aux fontaines bleues de la nuit.

    Maurice Carême

     

    photos397

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  • A force d’aimer

     

    A force d'aimer
    Les fleurs, les arbres, les oiseaux,

          A force d'aimer
    Les sources, les vals, les coteaux,
          A force d'aimer
    Les trains, les avions, les bateaux,
          A force d'aimer
    Les enfants, leurs dés, leurs cerceaux,
          A force d'aimer
    Les filles penchées aux rideaux,
          A force d'aimer
    Les hommes, leur rage de ciel,
          A force d'aimer
    Il devint, un jour, éternel

     

    Maurice Carême

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