• Au temps béni de mon enfance

     

    Au temps béni de mon enfance,

    Je m’endormais, tranquille et sage,

    Comme un livre d’images.

     

    Dont ma mère tournait les pages.

    Et les animaux, pour me suivre

    Dans mes rêves, sortaient du livre.

     

    Parfois, la nuit, ils m’emmenaient

    Dans des pays si frais, si bleus

    Que, l’lorsque je me réveillais,

     

    Surpris de voir ma mère

    Me souriant dans la lumière

    Naïf, je lui disais :

    « Je suis allé chez le bon Dieu ».

     

    Maurice Carême extrait de  « Souvenirs »

     

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  • Il m’arrivait d’avoir si peur…

     

    Il m’arrivait d’avoir si peur

    Lorsque la pluie, durant des heures,

    Flagellait les branches de houx,

    Que ma mère, dans sa candeur,

    Abandonnait son dur labeur

    Et me prenait sur ses genoux.

     

    Elle connaissait tant d’histoires

    De mages couronnés d’abeilles,

    D’enfants volant dans leur sommeil

    Que, sur les vitres presque noires,

    Il me semble quelquefois voir

    Monter de l’ombre, le soleil.

     

    Maurice Carême extrait de  « Souvenirs »

     

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  • Va mon âme

     

    Va, mon âme, prends ta chandelle.

    Tu la rencontreras, ma mère,

    Marchant, humble comme naguère,

    Dans l’avenue des Acacias.

    Toi qui vois ce que nul ne voit,

    Mon âme, tu me conteras

    D’où elle vient, où elle va,

    Et si son sourire est toujours

    Celui-là qu’elle avait pour moi

    Quand je lui parlais à mi-voix

    Du bol de lait qui, sur la table,

    Me faisait trouver ineffable

    L’image même du destin

    Inscrit aux lignes de mes mains.

     

    Maurice Carême (extrait de « Souvenir »)

     

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  • Au creux de l’ombre

     

    Pour épargner l’huile et la mèche,

    On n’allumait jamais la lampe

    Avant que le soir, bien à l’aise

    Se fût installé dans la chambre.

     

    Le buffet était le premier

    A entrer sans façon dans l’ombre

    Qui allait faire ressembler

    La cuisine à un autre monde.

     

    Puis c’était la table où les bols

    De lait mettaient une pâleur

    Etrange et pleine de douceur

    Où semblaient passer des lucioles ;

     

    Par les fentes de son couvercle,

    Le poêle, comme un magicien,

    Faisait naître partout des cercles

    Scintillants et mourant sans fin.

     

    De ma mère, je ne voyais

    Plus que les mains continuant

    Malgré l’obscurité croissant

    A faire ce qu’elle devait.

     

    Et, tranquille, je restais là

    Si bien caché au creux de l’ombre

    Que l’on aurait pu me confondre

    Avec tout ce qui était là.

    Maurice Carême

    (Extrait de  « Souvenir »)

     

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  • SOIR D'AUTOMNE

     

     

    Que de choses restaient à faire

    Lorsque venaient les feuilles mortes !

    S'asseoir sur le seuil de la porte

    Était défendu à ma mère.

     

     

    Mais il arrivait que l'automne

    Fasse ressembler notre rue,

    Distillant sa lumière jaune,

    À une étonnante cornue.

     

     

     

    Ma mère aimait cette atmosphère

    De soir tombant dans la rue calme

    Où l'on sentait que les étoiles

    Ne demandaient plus qu'à paraître.

     

     

    Assis par terre, tout près d'elle,

    La tête contre son genou, Je regardais rosir le ciel

    Que désertaient les hirondelles.

     

     

    Et j'écoutais battre mon cœur

    Comme devait battre le sien

    Comblé d'un étrange bonheur

    Qui ne tenait à presque rien.

     

    Maurice Carême (extrait de souvenir)

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  • Les jours où ma mère …

    Les jours où ma mère était lasse,

    Elle me disait quelquefois :

    « N’aurais-je été qu’une eau qui passe

    Sans se douter où elle va ? »

     

    Et, me voyant tout interdit,

    Elle déclarait aussitôt :

    « Personne ne dit que cette eau

    Ne mène pas au paradis ».

     

    Elle reprenait le balai

    Pour faire, avec du sable blanc,

    De belles courbes qui tournaient

    Sur le carreau lavé de frais.

    Maurice Carême extrait de  « Souvenirs »

     

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  • La douce lumière

     

    Reste ici bien au chaud,

    Me redisait ma mère.

     

    Une douce lumière

    Descendait des carreaux

    Faisant luire les verres

    Et l’acier des couteaux.

     

    La neige, dans la cour,

    Apeurait les tarins

    Qui se disputaient pour

    Quelques miettes de pain.

     

    Alors, sur mes genoux,

    Je déposais mon livre.

    Il faisait si bon vivre

    Chez nous au coin du feu !

     

    Et les yeux de ma mère

    Me paraissaient si beaux

    Que j’oubliais la terre

    Et les fées de Perrault

     

    Pour la douce lumière

    Qui tombait des carreaux.

    Maurice Carême extrait de  « Souvenirs »

     

    S5000862.JPG

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  • Aux fenêtres du temps

     

    Aux fenêtres du temps,

    J’ai regardé le monde.

    Je me suis vu, enfant,

    Jouant tout seul dans l’ombre.

     

    Que faisais-je, riant

    Dans les herbes profondes ?

    Aux fenêtres du temps

    S’enfuyait les colombes.

     

    Je me voyais parlant

    Comme l’on parle en songe

    Dressé sur le ciel sombre

    Ainsi qu’un rosier blanc

    Aux fenêtres du temps.

     

    Maurice Carême

    (Extrait de  « Souvenir »)

     

    .
    Gîte Le Moustier 06

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  • L’enfant des bonheurs sans raison

     

    Je voudrais ne laisser de moi

    Que l’image de cet enfant

    Qui regardait durant des heures

    Sur les plumes d’or des faisans,

    Enfant aux lanternes magiques

    Qui faisaient naître sur les murs

    Des arabesques de verdures

    Et de beaux visages bibliques,

    Enfant du vent aux hirondelles,

    Du pain frais qui sentait si bon,

    Des jeux repris à la chandelle,

    Enfant des bonheurs sans raison

    Qui croyait sa mère éternelle.

     

    Maurice Carême

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  • Les hauts peupliers

     

    Mon père aimait les chênes ;

    Ma mère les sorbiers,

    Moi, j’aimais les fontaines

    Et les hauts peupliers.

     

    De ma chambre d’enfant,

    Je les voyais jouer

    Comme des lévriers

    Avec le chat du vent.

     

    Leurs jeux, dans le soleil,

    Jetaient sur mon cahier

    Des ombres mordorées

    Et des morceaux de ciel.

     

    Ce qu’ils devenaient calmes

    Lorsque tombait le soir !

    Sur leurs branches étales,

    Ils prenaient des étoiles.

     

    Et tout en les berçant,

    Me berçais si longtemps

    Qu’à mon tour, en rêvant,

    Je me voyais, jouant,

    Etoile dans le vent.

     

    Maurice Carême

    DSCF0375

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  • Noël blanc

     

    C’est un Noël tout blanc

    De neige et de légende.

    C’est un Noël tout blanc

    Comme dans les « Warlandes »

    Il y a soixante ans.

     

    Une musique étrange

    Dans les hauts peupliers,

    Une musique étrange

    Semble un moment planer

    Avec des ailes d’ange.

     

    Un vague clairon sonne,

    Une étoile paraît.

    Un vague clairon sonne,

    Mais il n’y a personne

    Que la nuit désormais.

     

    Maurice Carême

    (Extrait de  « Souvenir »)

     

    Bonzé réduite

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  • Décembre

    Décembre, avec vos trois rois mages,

    Votre crèche en papier doré

    Et vos sapins émerveillés,

    Dites, seriez-vous cette étoile

    Si perdue qu’on a peine à croire

    Que c’est du plus obscur de l’ombre

    Que Jésus, tout nu, bleu de froid,

    S’est un jour levé sur le monde

    Avec le soleil dans les bras ?

    Maurice Carême

     

    080

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  •  

    A force de tout partager

     

    A force de tout partager,

    Même le meilleur de mon cœur,

    D’avoir une âme de verger

    Débordant d’oiseaux et de fleurs.

    De dessiner autour de moi

    Un immense horizon de joie,

    D’aimer la vie mieux qu’une sœur.

    Je suis comme un ciel étonné

    De se trouver, le soir, d’étoiles

    Qu’il n’avait jamais soupçonnées.

     

    Maurice Carême

     

    FLEURS 1

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  • Charité

     

    Dans ma blanche maison, j’ai songé bien des fois

    À un monde plus généreux qu’une corbeille

    Pleine de noix dorées, de raisins et de pêches

    Où chacun puiserait pour l’autre de la joie

    Où le pain quotidien luirait comme un soleil.

     

    Et il faudrait si peu pour que ce monde naisse :

    Une nappe fleurie de bleuets sur la table,

    Des mains d’hommes unies sous la paix des érables.

     

    Maurice Carême

     

    DSCF0332

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  • L’enfant qui chante

     

    C’est  un enfant qui chante

    Tout seul sur la grande route,

    Et sa chanson l’enchante

    Et la route l’écoute.

     

    Tout seul dans le grand jour,

    C’est un enfant qui chante

    Une chanson fervente

    Qui invente son amour.

     

    C’est un enfant qui chante

    En écoutant son cœur

    Qui chante et s’enchante

    Sans fin de son bonheur.

     

    C’est un enfant perdu

    Dans sa chanson trop grande,

    Un enfant éperdu,

    Un enfant de légende.

     

    Maurice Carême

     

    FLEURS REDUITE.jpg 2
     
    Martinique (Bougainvillier)

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