-
Par renal le 20 Mars 2014 à 08:41
La nuit s’en va
La nuit s'en va. Parmi les étoiles qui meurent
Souvent ma rêverie errante fait un choix.
Je travaille debout, regardant à la fois
Éclore en moi l'idée et là-haut l'aube naître.
Je pose l'écritoire au bord de la fenêtre
Que voile et qu'assombrit, comme un antre de loups.
Une ample vigne vierge accrochée à cent clous,
Et j'écris au milieu des branches entrouvertes,
Essuyant par instants ma plume aux feuilles vertes.
Victor Hugo
votre commentaire -
Par renal le 11 Février 2014 à 09:25
La barricade
Sur une barricade, au milieu des pavés
Souillés d’un sang coupable et d’un sang pur lavés,
Un enfant de douze ans est pris avec des hommes.
« Es-tu de ceux là, toi ? » L’enfant dit : « Nous en sommes.
C’est bon, dit l’officier, on va te fusiller.
Attend ton tour. » L’enfant voit des éclairs briller,
Et tous ses compagnons tomber sous la muraille.
Il dit à l’officier : « Permettez-vous que j’aille
Rapporter cette montre à ma mère chez nous ?
Tu veux t’enfuir ? Je vais revenir. Ces voyous
Ont peur ! Où loges-tu ? Là près de la fontaine.
Et je vais revenir, monsieur le Capitaine.
Va-t’en, drôle ! » L’enfant s’en va. Piège grossier !
Et les soldats riaient avec leurs officiers.
Et les mourants mêlaient à ce rire leur râle ;
Mais ce rire cessa, car soudain l’enfant pâle,
Brusquement reparu, fier comme Viala,
Vint s’adosser au mur et leur dit : « Me voilà »
La mort stupide eut honte, et l’officier fit grâce.
Victor Hugo
votre commentaire -
-
-
-
Par renal le 19 Mars 2013 à 09:30
J’eus toujours de l’amour
J'eus toujours de l'amour pour les choses ailées.
Lorsque j'étais enfant, j'allais sous les feuillées,
J'y prenais dans les nids de tout petits oiseaux.
D'abord je leur faisais des cages de roseaux
Où je les élevais parmi les mousses vertes.
Plus tard, je leur laissais les fenêtres ouvertes,
Ils ne s'envolaient point; ou, s'ils fuyaient aux bois,
Quand je les rappelais ils venaient à ma voix.
Une colombe et moi longtemps nous nous aimâmes.
Maintenant je sais l'art d'apprivoiser les âmes.
(Victor Hugo Les Rayons et les ombres)
votre commentaire -
Par renal le 7 Mars 2013 à 10:11
Les enfants
Les quatre enfants joyeux me tirent par la manche,
Dérangent mes papiers, font rage; c'est dimanche;
Ils s'inquiètent peu si je travaille ou non;
Ils vont criant, sautant, m'appelant par mon nom;
Ils m'ont caché ma plume et je ne puis écrire;
Et bruyamment, avec de grands éclats de rire,
Se dressant par-dessus le dos du canapé,
Chacun vient à son tour m'apparaître, drapé
Dans un burnous arabe aux bandes éclatantes.
Victor Hugo (dernière gerbe)
votre commentaire -
Par renal le 3 Mars 2013 à 09:37
Aux Champs
Je me penche attendri sur les bois et les eaux,
Rêveur, grand père aussi des fleurs et des oiseaux ;
J’ai la pitié sacrée et profonde des choses ;
J’empêche les enfants de maltraiter les roses ;
Je dis : N’effarez point la plante et l’animal ;
Riez sans faire peur, jouez sans faire mal.
(Victor Hugo, extrait de Grand-père 1877)
Photo Renal
3 commentaires -
Par renal le 28 Février 2013 à 09:04
Jeanne était au pain sec…
Jeanne était au pain sec dans le cabinet noir,
Pour un crime quelconque, et, manquant au devoir,
J'allai voir la proscrite en pleine forfaiture,
Et lui glissai dans l'ombre un pot de confiture
Contraire aux lois. Tous ceux sur qui, dans ma cité,
Repose le salut de la société,
S'indignèrent, et Jeanne a dit d'une voix douce:
-Je ne toucherai plus mon nez avec mon pouce;
Je ne me ferai plus griffer par le minet.
Mais on s'est récrié: - Cette enfant vous connaît;
Elle sait à quel point vous êtes faible et lâche.
Elle vous voit toujours rire quand on se fâche.
Pas de gouvernement possible. À chaque instant
L'ordre est troublé par vous ; le pouvoir se détend ;
Plus de règle. L'enfant n'a plus rien qui l'arrête. Vous démolissez tout. - Et j'ai baissé la tête, Et j'ai dit: -Je n'ai rien à répondre à cela, J'ai tort. Oui, c'est avec ces indulgences-là Qu'on a toujours conduit les peuples à leur perte. Qu'on me mette au pain sec. -Vous le méritez, certes, On vous y mettra. -Jeanne alors, dans son coin noir, M'a dit tout bas, levant ses yeux si beaux à voir, Pleins de l'autorité des douces créatures : - Eh bien, moi, je t'irai porter des confitures.
Victor Hugo (L’art d’être Grand Père)
(Extrait du livre « Les enfants en poésie »)
votre commentaire -
Par renal le 26 Février 2013 à 09:29
La vie aux Champs
C’est qu’ils savent que j’ai leurs goûts ; ils se souviennent
Que j’aime comme eux l’air, les fleurs, les papillons,
Et les bêtes qu’on voit courir dans les sillons.
Ils savent que je suis un homme qui les aime,
Un être auprès duquel on peut jouer, et même
Crier, faire du bruit, parler à haute voix ;
Que je riais comme eux et plus qu’eux autrefois,
Et qu’aujourd’hui, sitôt qu’à leurs ébats j’assiste,
Je leur souris encor, bien que je sois plus triste.
Ils disent, doux amis, que je ne sais jamais
Me fâcher ; qu’on s’amuse avec moi ; que je fais
Des choses en cartons, des dessins à la plume ;
Que je raconte, à l’heure où la lampe s’allume,
Oh ! des contes charmants qui vous font peur la nuit,
Et qu’enfin je suis doux, pas fier et fort instruit.
Ainsi, dès qu’on m’a vu : « Le voilà ! » tous accourent
Ils quittent jeux, cerceaux et balles ; ils m’entourent
Avec leurs beaux grands yeux d’enfants, sans peur, sans fiel,
Qui semblent toujours bleus, tant on y voit le ciel !
Victor Hugo, extrait de « Les enfants en poésie »
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique