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    Ce qui se passait Aux Feuillantines vers 1813

     

    Enfants ! aimez les champs,

    les vallons, les fontaines,

    Les chemins que le soir

    emplit de voix lointaines,

    Et l'onde et le sillon, flanc jamais assoupi,

    Où germe la pensée à côté de l'épi.

    Prenez-vous par la main

    et marchez dans les herbes ;

    Regardez ceux qui vont liant

    les blondes gerbes ;

    Épelez dans le ciel plein de lettres de feu,

    Et, quand un oiseau chante,

    écoutez parler Dieu.

     

    (Victor Hugo extrait de Les rayons et les ombres 1840)


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  • Chanson des oiseaux

     

    ... Buvons, mangeons; becquetons

    Les festons

    De la ronce et de la vigne ;

    Le banquet dans la forêt

    Est tout prêt ;

    Chaque branche nous fait signe.

     

    Les pivoines sont en feu ;

    Le ciel bleu

    Allume cent fleurs écloses ;

    Le printemps est pour nos yeux

    Tout joyeux

    Une fournaise de rosés. [,..]

     

    Quelqu'un que l'on ne voit pas

    Est là-bas

    Dans la maison qu'on ignore ;

    Et cet inconnu bénit

    Notre nid,

    Et sa fenêtre est l'aurore. [...]

     

    II nous met tous à l'abri

    Colibri,

    Chardonneret, hochequeue,

    Tout l'essaim que l'air ravit

    Et qui vit

    Dans la grande lueur bleue. [...]

     

    Les blés sont dorés, les cieux

    Spacieux,

    L'eau joyeuse et l'herbe douce ;

    Mais il se fâche souvent

    Quand le vent

     Nous vole nos brins de mousse.

     

    Il dit au vent : - Paix, autan !

    Et va-t'en !

    Laisse mes oiseaux tranquilles.

    Arrache, si tu le veux,

    Leurs cheveux

    De fumée aux sombres villes !

     

    (Victor Hugo extrait de La légende des siècles)


    la traversée (36)
    Photo Renal



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  •  

    Gros temps la nuit

    Le vent hurle ; la rafale

    Sort, ruisselante cavale,

    Du gouffre obscur,

    Et, hennissant sur l'eau bleue,

    Des crins épars de sa queue

    Fouette l'azur.

     

    L'horizon, que l'onde encombre,

    Serpent, au bas du ciel sombre

    Court tortueux ;

    Toute la mer est difforme ;

    L'eau s'emplit d'un bruit énorme

    Et monstrueux. [...]

     

    La mer chante un chant barbare.

    Les marins sont à la barre,

    Tout ruisselants ;

    L'éclair sur les promontoires

    Éblouit les vagues noires

    De ses yeux blancs.

     

    C'est un vent de l'autre monde

    Qui tourmente l'eau profonde

    De tout côté,

    Et qui rugit dans l'averse ;

    L'éternité bouleverse

    L'immensité. [...]

     

    Et dans la sombre mêlée,

    Quelque fée échevelée,

    Urgel, Morgan,

    A travers le vent qui souffle,

    Jette en riant sa pantoufle

    A l'ouragan.

     

    (Victor Hugo extrait de Toute la Lyre 1888)

     

     

    p1000014

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  •  

    fleurs réduite

    Chanson d’automne

     

    Les Hirondelles sont parties.

    Le brin d'herbe a froid sur les toits ;

    II pleut sous les touffes d'orties.

    Bon bûcheron, coupe du bois.

     

    Les hirondelles sont parties.

    L'air est dur, le logis est bon.

    Il pleut sur les touffes d'ortie.

    Bon charbonnier, fais du charbon.

     

    Les hirondelles sont parties.

    L'été fuit à pas inégaux ;

    II pleut sur les touffes d'orties.

    Bon fagotier, fais des fagots.

     

    Victor Hugo


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  • L’aurore s’allume

     

    L'aurore s'allume,

    L'ombre épaisse fuit ;

    Le rêve et la brume

    Vont où va la nuit ;

    Paupières et rosés

    S'ouvrent demi-closes ;

    Du réveil des choses

    On entend le bruit.

    Tout chante et murmure,

    Tout parle à la fois,

    Fumée et verdure,

    Les nids et les toits ;

    Le vent parle aux chênes,

    L'eau parle aux fontaines ;

    Toutes les haleines

    Deviennent des voix !

    Tout reprend son âme,

    L'enfant son hochet,

    Le foyer sa flamme,

    Le luth son archet ;

    Folie ou démence,

    Dans le monde immense,

    Chacun recommence

    Ce qu'il ébauchait.

    Qu'on pense ou qu'on aime,

    Sans cesse agité,

    Vers un but suprême,

    Tout vole emporté ;

    L’esquif cherche un môle,

    L’abeille un vieux saule,

    La boussole un pôle,

    Moi la vérité

     

    Victor Hugo 

    Fleurs église

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  • Regardez, les enfants

     

    Regardez, les enfants se sont assis en rond,

    Leur mère est à côté, leur mère au jeune front

    Qu'on prend pour une sœur aînée ;

    Inquiète, au milieu de leurs jeux ingénus,

    De sentir s'agiter leurs chiffres inconnus

    Dans l'urne de la destinée.

    Près d'elle naît leur rire et finissent leurs pleurs,

    Et son cœur est si pur et si pareil aux leurs,

    Et sa lumière est si choisie,

    Qu'en passant à travers les rayons de ses jours,

    La vie aux mille soins, laborieux et lourds,

    Se transfigure en poésie.

    Toujours elle les suit, veillant et regardant,

    Soit que janvier rassemble au coin de l'âtre ardent

    Leur joie aux plaisirs occupée ;

    Soit qu'un doux vent de mai, qui ride le ruisseau,

    Remue au-dessus d'eux les feuilles, vert monceau

    D'où tombe une ombre découpée.

    Parfois, lorsque, passant près d'eux, un indigent

    Contemple avec envie un beau hochet d'argent

    Que sa faim dévorante admire,

    La mère est là ; pour faire, au nom du Dieu vivant,

    Du hochet une aumône, un ange de l'enfant,

    II ne lui faut qu'un doux sourire.

    Et moi qui, mère, enfants, les vois tous sous mes yeux, Tandis qu'auprès de moi les petits sont joyeux

     

    Comme des oiseaux sur les grèves,

    Mon cœur gronde et bouillonne, et je sens lentement, Couvercle soulevé par un flot écumant,

    S'entrouvrir mon front plein de rêves.

     

    Victor Hugo,(extrait de La mère et l’enfant)

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  • Les pauvres gens

     

    II est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.

    Le logis est plein d'ombre et l'on sent quelque chose

    Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.

    Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.

    Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle

    Aux planches d'un bahut vaguement étincelle,

    On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.

    Tout près, un matelas s'étend sur de vieux bancs,

    Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent.

    La haute cheminée où quelques flammes veillent

    Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,

    Une femme à genoux prie, et songe et pâlit.

    C'est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d'écume,

    Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit à la brume,

    Le sinistre océan jette son noir sanglot.

     

    Victor Hugo,(extrait de La mère et l’enfant)

     

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  • Premier mai

    Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.
    Je ne suis pas en train de parler d'autres choses.
    Premier mai ! l'amour gai, triste, brûlant, jaloux,
    Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;
    L'arbre où j'ai, l'autre automne, écrit une devise,
    La redit pour son compte et croit qu'il l'improvise ;
    Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,
    Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ;
    L'atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine
    Des déclarations qu'au Printemps fait la plaine,
    Et que l'herbe amoureuse adresse au ciel charmant.
    A chaque pas du jour dans le bleu firmament,
    La campagne éperdue, et toujours plus éprise,
    Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise
    Envoie au renouveau ses baisers odorants ;
    Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,
    Dont l'haleine s'envole en murmurant : Je t'aime !
    Sur le ravin, l'étang, le pré, le sillon même,
    Font des taches partout de toutes les couleurs ;
    Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;
    Comme si ses soupirs et ses tendres missives
    Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives,
    Et tous les billets doux de son amour bavard,
    Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !
    Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,
    Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ;
    Tout semble confier à l'ombre un doux secret ;
    Tout aime, et tout l'avoue à voix basse ; on dirait
    Qu'au nord, au sud brûlant, au couchant, à l'aurore,
    La haie en fleur, le lierre et la source sonore,
    Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,
    Répètent un quatrain fait par les quatre vents.

    Victor Hugo

     

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  • Au point du jour

     

    Au point du jour souvent

    en sursaut, je me lève

    Éveillé par l'aurore, ou par la fin d'un rêve,

    Ou par un doux oiseau qui chante,

    ou par le vent.

    Et vite je me mets au travail, même avant

    Les pauvres ouvriers

    Qui près de moi demeurent.

    La nuit s'en va. Parmi les étoiles qui meurent

    Souvent ma rêverie errante fait un choix.

    Je travaille debout regardant à la fois

    Éclore en moi l'idée et là-haut l'aube naître.

    Je pose l'écritoire au bord de la fenêtre

    Que voile et qu'assombrit,

    comme un antre de loups,

    Une ample vigne vierge

    accrochée à cent clous,

    Et j'écris au milieu des branches entrouvertes,

    Essuyant par instants

    ma plume aux feuilles vertes.

     

    (Victor Hugo)

    Château de Quéribus 8.JPG

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  • A l’heure où je t’écris

     

    A l'heure où je t'écris, je suis dans un village.

    Le soleil brille ; octobre a jauni le feuillage ;

    Je vois là-bas les toits

    d'un charmant vieux château.

    Force rouges pommiers couronnent le coteau,

    Si chargés qu'on soutient

    par des fourches leurs branches.

    Mon hôtesse est coiffée

    à la mode d'Avranches

    D'un immense bonnet

    qui lui tombe aux talons.

    Dans la cuisine où luit le cuivre des poêlons

    Bout un vaste chaudron

    tout rempli d'herbe verte,

    Et, passant au grand trot

    devant ma porte ouverte,

    Un petit paysan rit sur un grand cheval.

     

    (Victor Hugo)

    20050500 Québec Montréal_1911

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