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Par renal le 19 Février 2013 à 09:05
Ce qui se passait Aux Feuillantines vers 1813
Enfants ! aimez les champs,
les vallons, les fontaines,
Les chemins que le soir
emplit de voix lointaines,
Et l'onde et le sillon, flanc jamais assoupi,
Où germe la pensée à côté de l'épi.
Prenez-vous par la main
et marchez dans les herbes ;
Regardez ceux qui vont liant
les blondes gerbes ;
Épelez dans le ciel plein de lettres de feu,
Et, quand un oiseau chante,
écoutez parler Dieu.
(Victor Hugo extrait de Les rayons et les ombres 1840)
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Par renal le 4 Février 2013 à 09:37
Chanson des oiseaux
... Buvons, mangeons; becquetons
Les festons
De la ronce et de la vigne ;
Le banquet dans la forêt
Est tout prêt ;
Chaque branche nous fait signe.
Les pivoines sont en feu ;
Le ciel bleu
Allume cent fleurs écloses ;
Le printemps est pour nos yeux
Tout joyeux
Une fournaise de rosés. [,..]
Quelqu'un que l'on ne voit pas
Est là-bas
Dans la maison qu'on ignore ;
Et cet inconnu bénit
Notre nid,
Et sa fenêtre est l'aurore. [...]
II nous met tous à l'abri
Colibri,
Chardonneret, hochequeue,
Tout l'essaim que l'air ravit
Et qui vit
Dans la grande lueur bleue. [...]
Les blés sont dorés, les cieux
Spacieux,
L'eau joyeuse et l'herbe douce ;
Mais il se fâche souvent
Quand le vent
Nous vole nos brins de mousse.
Il dit au vent : - Paix, autan !
Et va-t'en !
Laisse mes oiseaux tranquilles.
Arrache, si tu le veux,
Leurs cheveux
De fumée aux sombres villes !
(Victor Hugo extrait de La légende des siècles)
Photo Renal
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Par renal le 1 Février 2013 à 20:30
Gros temps la nuit
Le vent hurle ; la rafale
Sort, ruisselante cavale,
Du gouffre obscur,
Et, hennissant sur l'eau bleue,
Des crins épars de sa queue
Fouette l'azur.
L'horizon, que l'onde encombre,
Serpent, au bas du ciel sombre
Court tortueux ;
Toute la mer est difforme ;
L'eau s'emplit d'un bruit énorme
Et monstrueux. [...]
La mer chante un chant barbare.
Les marins sont à la barre,
Tout ruisselants ;
L'éclair sur les promontoires
Éblouit les vagues noires
De ses yeux blancs.
C'est un vent de l'autre monde
Qui tourmente l'eau profonde
De tout côté,
Et qui rugit dans l'averse ;
L'éternité bouleverse
L'immensité. [...]
Et dans la sombre mêlée,
Quelque fée échevelée,
Urgel, Morgan,
A travers le vent qui souffle,
Jette en riant sa pantoufle
A l'ouragan.
(Victor Hugo extrait de Toute la Lyre 1888)
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Par renal le 1 Octobre 2012 à 08:56
Chanson d’automne
Les Hirondelles sont parties.
Le brin d'herbe a froid sur les toits ;
II pleut sous les touffes d'orties.
Bon bûcheron, coupe du bois.
Les hirondelles sont parties.
L'air est dur, le logis est bon.
Il pleut sur les touffes d'ortie.
Bon charbonnier, fais du charbon.
Les hirondelles sont parties.
L'été fuit à pas inégaux ;
II pleut sur les touffes d'orties.
Bon fagotier, fais des fagots.
Victor Hugo
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Par renal le 11 Juillet 2012 à 00:15
L’aurore s’allume
L'aurore s'allume,
L'ombre épaisse fuit ;
Le rêve et la brume
Vont où va la nuit ;
Paupières et rosés
S'ouvrent demi-closes ;
Du réveil des choses
On entend le bruit.
Tout chante et murmure,
Tout parle à la fois,
Fumée et verdure,
Les nids et les toits ;
Le vent parle aux chênes,
L'eau parle aux fontaines ;
Toutes les haleines
Deviennent des voix !
Tout reprend son âme,
L'enfant son hochet,
Le foyer sa flamme,
Le luth son archet ;
Folie ou démence,
Dans le monde immense,
Chacun recommence
Ce qu'il ébauchait.
Qu'on pense ou qu'on aime,
Sans cesse agité,
Vers un but suprême,
Tout vole emporté ;
L’esquif cherche un môle,
L’abeille un vieux saule,
La boussole un pôle,
Moi la vérité
Victor Hugo
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Par renal le 5 Juin 2012 à 13:15
Regardez, les enfants
Regardez, les enfants se sont assis en rond,
Leur mère est à côté, leur mère au jeune front
Qu'on prend pour une sœur aînée ;
Inquiète, au milieu de leurs jeux ingénus,
De sentir s'agiter leurs chiffres inconnus
Dans l'urne de la destinée.
Près d'elle naît leur rire et finissent leurs pleurs,
Et son cœur est si pur et si pareil aux leurs,
Et sa lumière est si choisie,
Qu'en passant à travers les rayons de ses jours,
La vie aux mille soins, laborieux et lourds,
Se transfigure en poésie.
Toujours elle les suit, veillant et regardant,
Soit que janvier rassemble au coin de l'âtre ardent
Leur joie aux plaisirs occupée ;
Soit qu'un doux vent de mai, qui ride le ruisseau,
Remue au-dessus d'eux les feuilles, vert monceau
D'où tombe une ombre découpée.
Parfois, lorsque, passant près d'eux, un indigent
Contemple avec envie un beau hochet d'argent
Que sa faim dévorante admire,
La mère est là ; pour faire, au nom du Dieu vivant,
Du hochet une aumône, un ange de l'enfant,
II ne lui faut qu'un doux sourire.
Et moi qui, mère, enfants, les vois tous sous mes yeux, Tandis qu'auprès de moi les petits sont joyeux
Comme des oiseaux sur les grèves,
Mon cœur gronde et bouillonne, et je sens lentement, Couvercle soulevé par un flot écumant,
S'entrouvrir mon front plein de rêves.
Victor Hugo,(extrait de La mère et l’enfant)
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Par renal le 22 Mai 2012 à 09:08
Les pauvres gens
II est nuit. La cabane est pauvre, mais bien close.
Le logis est plein d'ombre et l'on sent quelque chose
Qui rayonne à travers ce crépuscule obscur.
Des filets de pêcheur sont accrochés au mur.
Au fond, dans l'encoignure où quelque humble vaisselle
Aux planches d'un bahut vaguement étincelle,
On distingue un grand lit aux longs rideaux tombants.
Tout près, un matelas s'étend sur de vieux bancs,
Et cinq petits enfants, nid d'âmes, y sommeillent.
La haute cheminée où quelques flammes veillent
Rougit le plafond sombre, et, le front sur le lit,
Une femme à genoux prie, et songe et pâlit.
C'est la mère. Elle est seule. Et dehors, blanc d'écume,
Au ciel, aux vents, aux rocs, à la nuit à la brume,
Le sinistre océan jette son noir sanglot.
Victor Hugo,(extrait de La mère et l’enfant)
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Par renal le 1 Mai 2012 à 11:07
Premier mai
Tout conjugue le verbe aimer. Voici les roses.
Je ne suis pas en train de parler d'autres choses.
Premier mai ! l'amour gai, triste, brûlant, jaloux,
Fait soupirer les bois, les nids, les fleurs, les loups ;
L'arbre où j'ai, l'autre automne, écrit une devise,
La redit pour son compte et croit qu'il l'improvise ;
Les vieux antres pensifs, dont rit le geai moqueur,
Clignent leurs gros sourcils et font la bouche en coeur ;
L'atmosphère, embaumée et tendre, semble pleine
Des déclarations qu'au Printemps fait la plaine,
Et que l'herbe amoureuse adresse au ciel charmant.
A chaque pas du jour dans le bleu firmament,
La campagne éperdue, et toujours plus éprise,
Prodigue les senteurs, et dans la tiède brise
Envoie au renouveau ses baisers odorants ;
Tous ses bouquets, azurs, carmins, pourpres, safrans,
Dont l'haleine s'envole en murmurant : Je t'aime !
Sur le ravin, l'étang, le pré, le sillon même,
Font des taches partout de toutes les couleurs ;
Et, donnant les parfums, elle a gardé les fleurs ;
Comme si ses soupirs et ses tendres missives
Au mois de mai, qui rit dans les branches lascives,
Et tous les billets doux de son amour bavard,
Avaient laissé leur trace aux pages du buvard !
Les oiseaux dans les bois, molles voix étouffées,
Chantent des triolets et des rondeaux aux fées ;
Tout semble confier à l'ombre un doux secret ;
Tout aime, et tout l'avoue à voix basse ; on dirait
Qu'au nord, au sud brûlant, au couchant, à l'aurore,
La haie en fleur, le lierre et la source sonore,
Les monts, les champs, les lacs et les chênes mouvants,
Répètent un quatrain fait par les quatre vents.Victor Hugo
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Par renal le 25 Avril 2012 à 09:37
Au point du jour
Au point du jour souvent
en sursaut, je me lève
Éveillé par l'aurore, ou par la fin d'un rêve,
Ou par un doux oiseau qui chante,
ou par le vent.
Et vite je me mets au travail, même avant
Les pauvres ouvriers
Qui près de moi demeurent.
La nuit s'en va. Parmi les étoiles qui meurent
Souvent ma rêverie errante fait un choix.
Je travaille debout regardant à la fois
Éclore en moi l'idée et là-haut l'aube naître.
Je pose l'écritoire au bord de la fenêtre
Que voile et qu'assombrit,
comme un antre de loups,
Une ample vigne vierge
accrochée à cent clous,
Et j'écris au milieu des branches entrouvertes,
Essuyant par instants
ma plume aux feuilles vertes.
(Victor Hugo)
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Par renal le 21 Avril 2012 à 16:38
A l’heure où je t’écris
A l'heure où je t'écris, je suis dans un village.
Le soleil brille ; octobre a jauni le feuillage ;
Je vois là-bas les toits
d'un charmant vieux château.
Force rouges pommiers couronnent le coteau,
Si chargés qu'on soutient
par des fourches leurs branches.
Mon hôtesse est coiffée
à la mode d'Avranches
D'un immense bonnet
qui lui tombe aux talons.
Dans la cuisine où luit le cuivre des poêlons
Bout un vaste chaudron
tout rempli d'herbe verte,
Et, passant au grand trot
devant ma porte ouverte,
Un petit paysan rit sur un grand cheval.
(Victor Hugo)
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